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Jeux: le Conseil fédéral revient sur ses engagements

08.11.2018

Lors de la campagne pour la votation du 10 juin 2018 sur la nouvelle loi sur les jeux d’argent (LJAr), le Conseil fédéral s’était engagé à garantir le statu quo en matière de protection des joueurs. Six mois plus tard, après la publication des nouvelles ordonnances qui suppriment l’un des éléments les plus importants du dispositif, les acteurs socio-sanitaires actifs dans les addictions et le surendettement trouvent la pilule bien amère à avaler.

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Au début des années 2000, l’ouverture des casinos en Suisse avait donné lieu à un nouveau modèle intéressant en matière de protection des joueurs. Les maisons de jeux devaient mettre en place un concept de protection sociale, en intégrant les milieux de la prévention. Cette collaboration forcée et contre nature a permis des avancées significatives et constituait la pierre angulaire du dispositif suisse de protection. Cela rendait le système suisse des jeux d’argent assez unique, en donnant une place non négligeable à la protection des joueurs. Pendant toute la campagne, au Parlement et devant le peuple, le Conseil fédéral n’a eu de cesse de garantir qu’il n’allait en aucun cas affaiblir le système de protection des joueurs et que le statu quo serait maintenu.

Le Conseil fédéral a supprimé cet élément central dans les ordonnances. Contrairement à ses engagements maintes fois réitérés avant la votation populaire, il renonce à la principale mesure de protection des joueurs, qui relève désormais exclusivement du bon-vouloir des opérateurs de jeux. Une histoire à succès s’achève, alors même qu’elle était considérée par la majorité des acteurs de terrain comme une réussite. Désormais, les opérateurs de jeux pourront vaquer à leurs affaires sans avoir à s’inquiéter des spécialistes du jeu excessif, tenus à distance. La Suisse avait inauguré une politique exemplaire de collaboration entre industrie et prévention qui permettait de surmonter des divergences de vues pour le bien commun. Le Conseil fédéral décide d’y mettre un terme.

Les milieux concernés par le jeu excessif ne comprennent pas ce revirement du Conseil fédéral, eux qui avaient déjà consenti à soutenir un compromis de loi jugée favorable aux opérateurs. Ils regrettent d’autant plus ce revirement que le projet d’ordonnance, publié trois mois avant le vote, donnait de surcroît des garanties en matière de protection des joueurs. Aujourd’hui, l’un des principaux éléments de protection passe à la trappe. Le débat démocratique mérite mieux que ces engagements non-tenus. En Suisse, on estime que 20 % de la population est touchée de manière directe ou indirecte par les problèmes de jeux, pour un coût de plus de 600 millions de francs annuel. La Suisse aurait certainement mérité davantage de transparence dans ce débat.