L'Édito

Dry January et pandémie, est-ce le bon moment ?

05 Janvier 2021  
Célestine Perissinotto
05.01.2021

La nouvelle année débute souvent avec de bonnes résolutions : moins d'alcool, moins de graisse et de sucre, plus de sport. Une période détox qui s'inscrit, pour certains, dans une certaine forme d'hygiénisme. Mais que se passe-t-il en temps de pandémie ? Le GREA vous propose un édito "Dry January" pour débuter cette année.

En temps normal, la nouvelle année apporte une salve de bonnes résolutions, qui vont de l’arrêt de la cigarette au moins boire jusqu’à se rabibocher avec un proche qui nous a malmené. Cela, c’est en temps normal. Mais que se passe-t-il en temps de pandémie ? Les baisers et les étreintes entre générations ne sont plus possibles, la distance est de mise entre amis et l’humain qui aime faire la fête se voit privé des distractions et opportunités culturelles et sportives qu’offre la vie. À quoi s’ajoutent le Dry January – le premier en Suisse – et le Veganuary qui n’en est encore à ses balbutiements chez nous. Fini l’alcool et les protéines du règne animal. Après le puritanisme sanitaire lié au Covid-19, nous sommes face à un mois de janvier qui nous enlève les seuls plaisirs qui resteraient encore dans ce bas monde : l’alcool et la graisse. Est-ce le bon moment pour se serrer encore plus la ceinture dopaminergique ?

La réponse, vous la connaissez puisque vous lisez l’édito du GREA : oui ! Oui en tout cas pour ce qui concerne l’alcool. La pandémie n’efface pas la complexité de notre rapport à l’alcool. L’alcool reste une substance la plus ambivalente qui soit, ange et démon, remède et produit toxique, plaisir et souffrance. S’il est une substance sur Terre qui mérite notre attention, et encore plus en temps de pandémie, c’est bien celle-ci. Car si elle est de toutes les fêtes, elle est aussi de tous les moments difficiles. Plusieurs études indiquent, bien qu’il en faille encore pour confirmer les premières observations, que la consommation a pris l’ascenseur auprès des publics vulnérables depuis le premier confinement en mars 2020. Solitude, peur de l’avenir, craintes invitent 10 à 20% des consommateurs réguliers d’alcool à avoir la main un peu plus lourde sur le flacon. Les cas de violence conjugale ainsi que les accidents routiers ont augmenté. Et tandis qu’au printemps nos magasins fermaient les rayons de dessin, maquillage ou bricolage, les rayons d’alcool étaient réapprovisionnés régulièrement, de l’alcool le plus fort à la bière artisanale. Depuis le 1er janvier 2021, la vente d’alcool est à nouveau autorisée sur les autoroutes ! Et tandis que la publicité pour l’alcool – comme celle pour le tabac – est largement diffusée, les campagnes de prévention peuvent être vues d’un mauvais œil. Une contradiction ? Bien sûr, mais avec l’alcool nous n’en sommes pas à une près.

En Afrique du Sud, l’État vient d’annoncer la suspension de la vente d’alcool pour soulager le système de santé et en particulier la pression sur les urgences que l’alcool provoque – blessures sur soi et les autres – durant la pandémie. En France, comme en Allemagne, le couvre-feu va de pair avec l’interdiction de la vente d’alcool dans plusieurs départements pour les mêmes raisons.

Alors oui, ce mois de janvier est bien l’occasion de réfléchir à notre rapport à l’alcool, qu’il soit individuel ou collectif. Pourquoi consommons-nous et dans quels contextes ? Les campagnes de prévention ont-elles encore leur place en Suisse ? Quelles décisions sont prises par les politiques et pourquoi ? Et comment, chacune et chacun, à sa propre échelle, peut-elle ou peut-il apporter des réponses cohérentes à sa consommation d’alcool, sans interdire mais sans non plus banaliser ? Autant de questions que ce Dry January peut susciter en plus d'accompagner un lot de résolutions.

Le GREA vous souhaite une bonne année 

Auteur(s)
Célestine Perissinotto