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Disparition de Jean-Luc Baierlé

13 Octobre 2021  
13.10.2021

Fondateur de Nez Rouge en Suisse, membre fondateur du CoRoMA, ex-Médecin cantonal du Jura (1984-2013), Jean-Luc Baierlé nous a quittés. Le GREA salue sa contribution significative aux développements des politiques addictions en Suisse romande, et s'associe aux mots de Jean-Martin, ex-médecin cantonal vaudois, qui lui rend hommage ci-dessous:

"Jean-Luc Baierlé, praticien, médecin cantonal, ami,

Quelle tristesse, un vrai manque... Nous avons appris le décès du Dr Jean-Luc Baierlé, membre d'honneur du CoRoMa, le 7 octobre 2021 à l'âge de 70 ans; emporté prématurément en quelques mois par une funeste affection que la médecine n'a pu maîtriser. Nous perdons un collègue et ami très apprécié. Vaudois d'origine, Jean-Luc passe une partie de son enfance dans le Jura, son père exerçant au Centre psychologique de Porrentruy. Etudes de médecine à Lausanne, stages, notamment à l'hôpital de Porrentruy où il rencontre son épouse, une infirmière d’origine québécoise. En 1982, il ouvre avec un collègue un cabinet à Courgenay.

La suite est bien décrite dans une belle page du Quotidien Jurassien publiée le 30 janvier 2013, alors qu’il approche de sa retraite. Je prends la liberté d'en citer des extraits où il s’exprime à propos de son poste de médecin cantonal, qu’il accepte en 1984 : « J'ai toujours exercé la fonction à temps partiel, en parallèle à mon activité de médecine de famille. Au début, j'ai cru devoir choisir mais, au fil des années, j'aimais les deux choses, convaincu que chacune bénéficie et se nourrit de l'autre. Pour moi, il est important de garder un pied dans la pratique, tout en me tournant, comme j'ai toujours eu une vision très sociale de la médecine, vers la santé publique. » Médecin cantonal pendant près de 30 ans, Jean-Luc sera amené à travailler avec quatre ministres de la santé : « Je dirais qu'avec chacun les rapports dépendaient plus de la personne que de son étiquette partisane. Et comme je ne sais pas faire le poing dans la poche, la confiance et une bonne relation humaine sont des choses plus importantes pour moi que la couleur politique. A noter que la gestion de la santé est très transversale. ».

En matière de santé publique dans le Jura « tout était à faire » : « Et je voulais suivre mes idéaux de médecine préventive, en me consacrant beaucoup aux problèmes de drogues et de dépendances. Un des rôles du médecin cantonal est de gérer les produits de substitution et d'en autoriser la délivrance au cas par cas. » Ceci, dans le contexte de la pandémie du sida, au début des années 80 : « La politique fédérale en matière de drogue s'est développée à cause de cette maladie. Il fallait prendre les toxicomanes au sérieux, les protéger aussi en leur distribuant des préservatifs et des seringues. Pour marquer le coup, j'ai même fait la promotion du préservatif au marché de Delémont ! La nécessité de faire de la prévention du sida auprès des jeunes a aussi donné un grand coup d'accélérateur au dossier, à l'époque enlisé, de l'éducation sexuelle à l'école. »

Pour ma part, j'ai énormément apprécié Jean-Luc comme confrère et comme ami. Je me souviens l'avoir découvert et accueilli avec beaucoup de plaisir au sein de la sympathique équipe des médecins cantonaux, amenés à se réunir plusieurs fois par an pour discuter des enjeux auxquels ils faisaient face, tout en cherchant à élaborer des positions communes (à vrai dire, la situation n'a alors jamais été aussi chaude que depuis début 2020 avec la covid). Jean-Luc a aussi présidé, avec honneur comme on dit chez nous, l'Association des médecins cantonaux suisses. Sur un plan plus festif, je me souviens de l'invitation qu'il nous avait faite, un automne, de vivre dans le Jura un banquet de la Saint-Martin !

Attentif, pertinent, incisif, il a illustré dans son canton une bonne combinaison de médecin de famille et médecin cantonal. En plus de beaucoup d'autres choses, son dynamisme, sa lucidité et sa bonne humeur nous manqueront beaucoup. Nos sentiments de très vive sympathie vont à son épouse, ses enfants et petits-enfants et tous ses proches, durement touchés, quasiment « sans crier gare ».

Adieu, l'Ami. Merci pour tout."

Dr Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois