juin 2011
Depuis une dizaine d’années, le vocable d’intervention précoce et ses déclinaisons se sont imposés dans notre domaine d’actions. Détection précoce, repérage précoce, dépistage précoce… Mais de quoi s’agit-il au juste ? Sans prétendre à l’exhaustivité sur le champ immense qui s’ouvre à nous, «dépendances» consacre un numéro à quelques enjeux importants liés à cette approche.
Cette préoccupation n’est pas nouvelle ! Comme souvent, l’apparition d’un terme ne fait que reprendre une réalité déjà connue et l’habille de nouveaux oripeaux. Faire du neuf avec du vieux. Bien entendu, c’est aussi le cas ici. Mais pas seulement ! Les pratiques changent, la société évolue, et avec elle, nos dispositifs d’aide et de prévention. Reposer la question de l’intervention précoce offre aussi l’opportunité de réfléchir à nouveau au sens de nos pratiques et à la manière d’aborder les liens entre prévention et traitement.
L’intervention précoce peut apparaître comme une évidence. Agir tôt pour agir mieux et moins. Tout le monde serait gagnant. Mais s’agit-il bien de cela ? Le fait d’intervenir « en amont » serait-ce le saint Graal des addictions ? Bien sûr que non. La dépendance restera un phénomène complexe et polymorphe, qui se décline toujours selon les contextes, les individus et les produits concernés. Se donner pour mission d’intervenir précocement peut pourtant être un gage pour le futur si le processus est mis en application dans sa totalité et ne se réduit pas à repérer des individus en situation de vulnérabilité, mais vise bien à construire ensemble des conditions sociales qui garantissent la solidarité.
L’intervention précoce est un questionnement légitime qui doit nous guider dans l’amélioration de nos pratiques. Mais il ne doit en aucun cas nous éloigner de nos valeurs de respect et de non-jugement qui ont fondé le champ des addictions. Pour accompagner cette réflexion, «dépendances» propose plusieurs regards actifs sur ce terrain, autant pour en souligner les opportunités que pour en dénoncer les dérives potentielles.
Jean-Félix Savary (GREA)