Communiqué : Démasquer l’échec global de la «guerre à la drogue»

05.12.2023

Un nouveau rapport met en lumière la complaisance des gouvernements à perpétuer la « guerre à la drogue » malgré les conséquences dévastatrices pour des millions de personnes, et appelle au changement.


[5 décembre 2023] (Vienne, Autriche) – Un rapport publié aujourd'hui par le Consortium International sur les Politiques des Drogues (IDPC) met en évidence l'échec dramatique de la stratégie actuelle des Nations Unies (ONU) pour parvenir à un « monde sans drogue », ainsi que les conséquences dévastatrices de la « guerre à la drogue » qu'elle sous-tend. Le rapport exhorte la communauté internationale à appeler à une réforme urgente.

Le rapport, intitulé « En mauvaise voie : Rapport alternatif pour l'examen à mi-parcours de la Déclaration ministérielle sur les drogues de 2019 », détaille l'échec mondial lamentable dans la réalisation des objectifs fondamentaux de la stratégie actuelle des Nations unies : la Déclaration ministérielle sur les drogues de 2019. Au lieu de cela, les efforts pour contrôler les drogues ont eu des conséquences dévastatrices pour la sécurité, la santé et les droits humains de millions de personnes.

« Nous sommes à mi-parcours de la stratégie mondiale sur les drogues actuelle s’étendant sur une période de 10 ans. Et pourtant les gouvernements n'ont fait aucun effort pour procéder à une évaluation sérieuse. Lorsque les gouvernements se réuniront à l'ONU en mars 2024, il est probable qu'ils approuveront une fois de plus la poursuite de la catastrophique « guerre à la drogue » alors que personne ne pense qu'elle sera couronnée de succès », a déclaré Ann Fordham, directrice exécutive de l'IDPC. « Notre rapport comble ce vide et apporte les preuves nécessaires au débat onusien sur les drogues. Les gouvernements ne peuvent pas continuer à se dérober face à des décennies d'échec et doivent de toute urgence rectifier le tir. Ce manquement persistant à leur devoir sera amèrement ressenti par les communautés du monde entier ». S'appuyant sur une large panoplie de données provenant des Nations Unies, de sources gouvernementales, universitaires et de la société civile, le rapport représente la seule évaluation complète de la politique mondiale en matière de drogue et illustre un effondrement de l'ensemble du système :

  • Malgré les milliards de dollars dépensés chaque année pour freiner les marchés et la disponibilité des drogues, le nombre de personnes usagères de drogues est passé de 271 à 296 millions en quatre ans, atteignant un record historique.
  • Les dernières estimations mondiales sur les décès liés à la consommation de drogues ont atteint 494 000 pour la seule année 2019 (dernières données mondiales disponibles), avec une recrudescence des décès par overdose.
  • Le nombre de personnes exécutées pour des infractions liées à la drogue, en violation flagrante du droit international, a augmenté de 213 % entre 2019 et 2022.
  • Alimenté par des lois punitives sur les drogues, le nombre de personnes incarcérées dans le monde est passé de 10 millions à 11,5 millions entre 2019 et 2023 – avec plus de 2 millions de personnes emprisonnées pour des infractions liées à la drogue.
  • À l'échelle mondiale, seule une personne sur cinq souffrant de dépendance à la drogue a accès à un traitement.
  • La disparité choquante dans l'accès aux médicaments contrôlés se poursuit : plus de 82% de la population mondiale a accès à moins de 17% de la morphine produite dans le monde.

En Suisse, la répression est aussi un échec.

La « guerre à la drogue » est un échec en Suisse aussi : la réapparition récente de scènes ouvertes, notamment en raison de la hausse de consommation de crack, témoigne d’un échec de politique publique. Si la Suisse est régulièrement citée en exemple grâce à sa politique des quatre piliers, il convient de souligner que le financement de ces piliers est largement déséquilibré : la répression absorbe environ 65% des dépenses du pays dans la politique en matière de drogues. En comparaison, la prévention ne bénéficie que de 4% des dépenses. En 2022, 4'448 personnes ont été condamnées pour des infractions à la LStup. Cela représente plus de 12 condamnations par jour. Dans les prisons vaudoises, un détenu sur deux est incarcéré en raison de la LStup.

La criminalisation des usagères et usagers de drogues continue de déployer ses effets délétères en produisant de la marginalisation et de la discrimination. Faute de structures, de personnel qualifié et de financement en suffisance, l’accessibilité aux prestations de soin reste difficile pour de nombreuses et nombreux usagers de drogues. Ce sont notamment les conclusions d’un rapport de la Haute École de Lucerne (HSLU) mandaté par les cantons sur le pilotage (inter)cantonal des offres d’aide en matière d’addictions.

 

Contacts:
Juan Fernández Ochoa, Chargé de campagnes et de communications, +44 7551 212183, jfernandez@idpc.net
Camille Robert, Co-secrétaire générale du GREA, +41 78 891 39 41, c.robert@grea.ch