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Communiqué : avec la nouvelle imposition sur le vapotage, la Suisse doit s’attendre à une augmentation de fumeurs et de fumeuses

08.06.2023

Le Conseil national clôturait ce matin le débat sur la révision de la Loi sur l’imposition du tabac (LTab), qui introduit un nouvel impôt sur le vapotage en taxant les liquides des cigarettes électroniques. Le GREA déplore ce système de taxation, qui est injustement élevé : il deviendra ainsi plus cher de vapoter que de fumer, en dépit de l’opportunité que pourrait représenter le vapotage en matière de réduction des risques dans le tabagisme. La Suisse doit s’attendre à un report des personnes qui vapent vers la cigarette, et donc à une augmentation des personnes qui fument.

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La révision de la LTab vise à introduire une taxation sur le vapotage, jusqu’ici seul produit du tabac à ne pas être imposé. Si le GREA partage l’objectif de taxer l’ensemble des produits du tabac, nous estimons que cette imposition doit s’inscrire dans un système cohérent qui respecte le continuum de dangerosité des différents produits.

 

Le vapotage comme outil de réduction des risques

La recherche scientifique l’a maintes fois prouvé : le vapotage, qui consiste à inhaler un aérosol obtenu au moyen du chauffage d’un liquide contenant – ou non – de la nicotine, est 95% moins nocif pour la santé que le fait de fumer[1][2]. En effet, si la nicotine rend dépendant, c’est bien le fait de fumer qui cause, dans l’écrasante majorité des cas, le décès de la moitié des fumeuses et des fumeurs : la combustion du tabac génère plusieurs milliers de substances toxiques dont 69 cancérigènes[3]. Dans les modes de consommation de nicotine alternatifs, comme le vapotage, il n’y a justement pas de combustion. D’après la revue systématique Cochrane, qui compile plus de 70 études indépendantes dans le monde, le vapotage est le moyen le plus efficace pour arrêter de fumer[4]. En ce sens, le vapotage représente une opportunité majeure d’introduire enfin une offre de réduction des risques pour les personnes qui fument.

 

En adoptant la révision de la LTab telle que proposée par le Conseil fédéral, le Parlement a décidé d’aller à l’encontre de cet objectif : une taxe de 20 centimes par millilitre (ml) sera donc prélevée sur les liquides de recharge pour le vapotage. Ce barème signifie qu’une recharge de 10ml de liquide, achetée à CHF 6,50 dans le commerce, verra son prix augmenter de 2 francs, pour atteindre le prix de CHF 8,50. Cette augmentation représente ainsi une majoration de 30% du prix de vente de la recharge de 10ml de liquide à CHF 6,50.-, soit une taxation disproportionnée et plus de deux fois plus élevée que celle qui prévaut actuellement sur le tabac à chauffer (type IQOS), un produit plus nocif pour la santé, taxé à 12% de son prix de vente et en main d’un monopole de l’industrie du tabac.

 

Vapoter deviendra plus cher que fumer

Pire encore, vapoter deviendra plus cher que fumer. Au prix des liquides de recharge, il faut encore ajouter le prix de la vapoteuse (entre 25 et 120 francs) ainsi que les cartouches filtrantes qu’il faut changer régulièrement. Cette réglementation aura pour conséquences un report des personnes qui vapotent vers la cigarette, comme l’ont montré de nombreuses expériences dans d’autres pays européens ou dans certains États des Etats-Unis[5][6]. Il sera également plus difficile pour les personnes qui fument d’avoir accès à des alternatives moins nocives de consommer de la nicotine. Rappelons que la part de fumeuses et de fumeurs est de 43% chez les personnes sans formation post-obligatoire, contre 27% chez celles ayant une formation tertiaire[7] : la question des prix dans l’accessibilité aux alternatives nicotiniques est donc fondamentale.

 

Un échec en matière de santé publique

Avec cette décision, le Parlement fait un pas en arrière en matière de santé publique. Le vapotage est arrivé il y a une dizaine d’années sur le marché suisse et n’a toujours pas fait sa place comme outil de réduction des risques en matière de tabagisme. La Suisse, où 9'500 personnes décèdent encore chaque année en raison de la consommation de cigarettes, ferait bien de s’inspirer d’autres pays, tel que le Royaume-Uni qui a décidé d’écouter les scientifiques et qui se lance dans le déploiement d’un vaste programme de réduction des risques via le vapotage.

 

[1] McNeill et al. E-cigarettes : an evidence update. Public Health England, London, 2015. Lien.

[2] McNeill, A et al. Nicotine vaping in England: an evidence update including health risks and perceptions, A report commissioned by the Office for Health Improvement and Disparities. London, 2022. Lien.

[3] Secretan et al. A review of human carcinogens – Part E : tobacco, areca nut, alcohol, coal smoke, and salted fish. The Lancet, November 2009. https://doi.org/10.1016/S1470-2045(09)70326-2

[4] Hartmann-Boyce et al. La cigarette électronique dans le sevrage tabagique. Cochrane Library, November 2022, https://doi.org/10.1002/14651858.CD010216.pub7

[5] Stoklosa et al. Prices and E-Cigarette Demand: Evidence From the European Union. Nicotine and Tobacco Research, 18, 2016. https://doi.org/10.1093/ntr/ntw109

[6] Cotti et al. The Effects of E-Cigarettes Taxes on E-Cigarettes Prices and Tobacco Product Sales: Evidence from Retail Panel Data. Journal of Health Economics, 2022, https://www.nber.org/papers/w26724

[7] Office fédéral de la statistique. 2020. Enquête suisse sur la santé 2017 : Consommation de tabac en Suisse. Département fédéral de l’Intérieur, Berne.