La prévention est l’un des pilliers de la politique drogue de la Confédération. Prévention universelle, prévention sélective, prévention par les pairs, elle se décline et s’adapte aux différentes situations. Malgré de nombreux avantages reconnus, la démarche n’est pas encore pleinement utilisée en Suisse.
La prévention est l’un des quatre piliers qui composent la politique drogue de la Suisse. Et selon les experts, elle doit devenir l’axe central de toutes politiques envers les addictions.
Les actions de prévention sont souvent divisées en plusieurs catégories permettant de classer les actions entreprises et de guider une intervention. De plus, de bonnes pratiques, établies à l’aide d’évaluations scientifiques, constituent la base de recommandations en matière de prévention. Si la conception théorique utilisée aujourd’hui existe depuis 1994, elle n’est pas encore complétement rentrée dans la pratique et de nombreux projets omettent des dimensions essentielles de la prévention.
On met parfois à égalité les notions de prévention universelle et de promotion de la santé. Il est difficile de les différencier de manière nette : la prévention ne se limite en effet pas à la seule réduction des facteurs de risque mais œuvre également au renforcement de facteurs protecteurs qui, à leur tour, favorisent la santé. Toutes deux ont pour but la santé physique, psychique et sociale de la population, ou tout au moins une amélioration allant dans ce sens. Cependant, la promotion de la santé met plus fortement l’accent sur des mesures visant à changer la situation sociale, environnementale et économique de façon à réduire ses effets négatifs sur la santé. Voir deux documents conseillés: Le Rapport sur la Santé dans le Monde, OMS, 1999 et Glossaire de la Promotion de la Santé, OMS, 1999.
Elle s’adresse à l’ensemble de la population ou à des groupes larges comme les adolescents ou les personnes actives. Les campagnes de communication à large échelle, comme love life, les mesures communales ou le travail dans les écoles en sont autant d’exemples.
Celle-ci s’intéresse aux groupes en situation de risque. Il s’agit de personnes en bonne santé qui sont toutefois à risque de développer des problématiques par leur consommation. Ce risque peut être lié à l’appartenance à un groupe particulier ou à l’existence de facteurs de risques particuliers.
Ce type de prévention s’adresse à ceux qui ont des comportements à risque manifestes mais dont l’addiction n’a pas encore été diagnostiquée. Les groupes de jeunes qui ont une consommation régulière ou excessive d’alcool, par exemple les week-ends, sont l’un de ces groupes cibles.
Une autre dimension des actions de prévention est la prévention structurelle, parfois aussi appelée prévention environnementale qui se distingue de la prévention orientée sur les personnes ou les groupes. Elle concerne les normes légales qui structurent les conditions cadres comme le marché ou l’accessibilité : prohibition, âge limite, prix, ou horaire de vente. Ces mesures se distinguent des mesures visibles pour la population comme celles que porte une campagne médiatique.
Une mesure de prévention efficace inclut une composante de réduction des risques : une campagne universelle sur le thème du SIDA doit expliquer comme avoir une relation sexuelle protégée, et une action de prévention destinée à un usager de drogue intraveineuse doit expliquer à ce dernier comment réduire les risques lors de l’injection.
Une démarche intégrée, comme celle des systèmes de santé de l’OMS, peut être visée par les conceptions les plus ambitieuses et combiner des mesures de plusieurs ordres et cibler différents acteurs. Par exemple, dans le cas de l’intervention précoce dans un programme coordonné ou à travers un concept d’approche globale d’un problème.
Enfin, dans le domaine de la prévention des dépendances, les projets et les programmes qui recourent à l’intervention de pairs sont de plus en plus utilisés, surtout dans le travail avec les adolescents. Leur forme participative, et tout particulièrement le fait d’inclure le point de vue des jeunes, sont synonymes d’un critère de qualité́ essentiel quant à leur efficacité́. Vues sous cet angle, les approches de prévention par les pairs (peer envolement) sont une alternative intéressante aux approches traditionnelles, principalement élaborées par des adultes. Elles se fondent sur le principe que les jeunes, qui sont certes responsables d’une part du problème lorsqu’on parle d’addiction, font partie intégrante de la solution.
Les approches actuelles de la prévention s’inscrivent dans une logique de promotion de la santé et sont orientées selon les principes suivants : éduquer, réduire les risques et accompagner. Plutôt que de culpabiliser et de laisser les individus seuls avec leurs prises de risques et leurs expériences, quelles qu’elles soient, il s’agit de les aider à acquérir de nouvelles capacités de choix et de maîtrise de soi.
L’intervention à but préventif a besoin de sens. Elle doit être guidée par une position éthique et s’inscrire dans un projet politique en vue d’inspirer un changement collectif. Les valeurs à même de guider une telle posture sont la liberté et l’autonomie :
La prévention dispose de sa Charte du GREA. Elle a été réalisée par le GREA (anciennement GREAT) en 2003 et en définit les principes directeurs. Elle se base sur la Charte d’Ottawa.
La division d’inspiration médicale des actions de prévention, parfois encore utilisée aujourd’hui, consiste à différencier la prévention primaire, secondaire et tertiaire. Cette division centrée sur l’intensité du problème, courante jusqu’au milieu des années 1990, a été remplacée dans la pratique. Désormais, la classification utilisée décrit mieux l’action sur le terrain et s’attache aux groupes cibles. On parle de prévention universelle, sélective et indiquée selon le modèle de Gordon.
Nous remarquons que la prévention universelle visant à favoriser l’intégration de tous (appelée auparavant prévention primaire) tend aujourd’hui à diminuer au profit de la prévention sélective visant certaines catégories de la population à risques (dite aussi prévention secondaire).
Les programmes de prévention ont évolué au fil du temps, certains ayant pu être évalués et jugés plus efficaces que d’autres. La prévention basée uniquement sur l’information liée aux risques et aux dangers a été évaluée comme étant inefficace. Il semble pertinent d’adopter une posture éducative dans une logique expérientielle pour agir sur les compétences sociales des personnes, leur permettant ainsi de s’approprier des stratégies de réductions des dommages ou des motivations à modérer leur consommation faisant sens pour eux. Les approches actuelles sont basées sur une compréhension globale des situations de vulnérabilité en tenant compte du contexte et en cherchant également à agir sur les conditions cadres (politiques institutionnelles des établissements, climat scolaire).
Dans ce chapitre nous donnons quelques exemples de projet de prévention pour illustrer la manière dont se décline, en Suisse, chacune des catégories exposées plus haut. Cette liste d’exemple n’est pas exhaustive.
Campagne d’information grand public, campagne médiatique
La campagne nationale de prévention des problèmes liés à l’alcool intitulée « Combien ? » menée par l’OFSP entre 2015 et 2017 est un exemple de prévention universelle orientée sur les personnes. Elle était adressée à l’ensemble de la population et visait à influencer les comportements en transmettant une information sur les risques liés à une consommation excessive d’alcool et des repères pour une consommation modérée.
Prévention dans les écoles, écoles professionnelles et lieux d’apprentissages visant à renforcer les compétences sociales
C’est l’Intervention Précoce qui sert de socle conceptuel et de cadre à même d’orienter les actions de prévention en milieux scolaires. Il s’agit d’intervenir en amont, avant que des problèmes graves ne surviennent, en sensibilisant les personnes tout en agissant également sur le climat dans lequel ces personnes évoluent. L’Intervention Précoce souligne également l’importance du travail en réseau et la nécessité de garantir la continuité, la complémentarité et la subsidiarité entre les nombreux acteurs concernés par les différentes étapes du processus d’intervention.
Les stratégies d’intervention précoce visent à donner aux professionnels concernés les moyens de mettre en place, en situation courante, un repérage et d’effectuer des interventions brèves, de type motivationnel auprès des jeunes.
Exemples de prévention dans les écoles:
Prévention par les pairs
La prévention par les pairs est un type de prévention largement utilisé et jugé relativement efficace. Une forme de prévention qui permet de transmettre des messages et de mener des actions de prévention d’une façon parfois moins moralisatrice et plus efficace.
Exemples de prévention par les pairs:
Politiques institutionnelles, conditions cadres
S’il est important de sensibiliser les élèves, agir sur les conditions cadres est également indispensable. C’est ce que propose la FVA à travers ses prestations en milieu scolaires en accompagnant les écoles dans la mise en place d’une politique d’établissement.
La tendance actuelle est d’étendre ce type de mesure de prévention structurelle visant à développer les politiques institutionnelles également dans d’autres contextes, ceci afin de toucher des populations encore peu investies par la prévention jusqu’ici, comme le domaine des séniors ou le domaine du handicap. Les EMS sont encore insuffisamment outillés pour répondre aux consommations problématiques d’alcool chez les séniors. C’est la raison pour laquelle il existe actuellement un projet de Prévention Intercantonale Alcool adressé aux séniors (PIA), coordonné par le GREA et la CPPS. Le projet de collaboration entre le domaine du handicap et des addictions vise aussi, entre autres, à renforcer les politiques institutionnelles en matière d’addiction.
Accès au produit, et types de réglementation
Contexte vaudois
Dans le canton de Vaud, la loi vaudoise sur les procédés de réclame interdit la publicité pour les alcools distillés sur le domaine public ou sur le domaine privé visible du domaine public. Cette loi est donc légèrement plus restrictive que la loi fédérale, mais reste encore insuffisante pour préserver efficacement la population, et notamment les jeunes, des stimuli publicitaires pour les boissons alcoolisées. De plus, ces restrictions ne s’appliquent pas pour les boissons alcoolisées fermentées comme la bière ou le vin.
Les règles exposées ci-dessus concernent l’alcool mais devraient exister pour tous les produits psychoactifs. Une politique moderne des addictions doit se baser sur la réalité et non sur une vision idéalisée des comportements. Lorsqu’on sait qu’une large partie de la population consomme du cannabis, il serait donc pertinent de règlementer ce produit à l’image de ce qui se pratique déjà dans plusieurs pays.
C’est le concept de l’Intervention précoce qui définit la position adoptée actuellement par la majorité des professionnels du domaine de la prévention des addictions en Suisse romande, à savoir une démarche qui met en avant :
La prévention est un axe important pour les professionnels romands du domaine des addictions. Dans le contexte actuel – la Confédération s’est retirée du pilotage des campagnes de prévention liées à l’alcool – les cantons romands ont décidés de s’associer pour développer un projet intercantonal alcool coordonné par le GREA et la CPPS. Afin de déplacer le focus de la prévention habituellement centré sur les jeunes, les cantons ont décidé de considérer une réalité encore peu explorée, à savoir la consommation d’alcool chez les séniors. (voir projet PIA).