La nicotine est un alcaloïde issu naturellement de la plante de tabac. Consommée comme un psychotrope stimulant, la nicotine agit rapidement (entre 9 et 20 secondes) sur le système de récompense du cerveau et engendre une dépendance. Après avoir été introduite en Europe au 16ème siècle via les feuilles de tabac, la nicotine a pu être isolée chimiquement au 19ème, marquant ainsi un tournant dans sa commercialisation. Alors que sa consommation s’est répandue, la nicotine est devenue une source majeure de dépendances et de problèmes de santé publique. En Suisse, la nicotine est de loin l’addiction la plus mortelle : chaque année, on compte environ 9’500 décès liés au tabagisme.
Présente principalement dans les feuilles de tabac, la nicotine est un alcaloïde naturel jouant un rôle défensif contre les insectes. Substance clé dans la dépendance au tabac, elle agit sur le cerveau en stimulant la libération de dopamine, un neurotransmetteur essentiel au circuit de la récompense. Au fil du temps, la quantité de récepteurs augmentent et il faut donc plus de nicotine pour éviter la sensation de manque. Inhalée, la nicotine atteint le cerveau rapidement, en 9 à 20 secondes. Cette rapidité d’action, supérieure à celle de nombreux autres substances psychotropes, renforce son caractère addictif (stop-tabac).
Outre la sensation de « shoot » de nicotine, la nicotine présente un profil d’action bivalent selon le contexte psychophysiologique : elle peut soit stimuler, améliorant la vigilance et la concentration, soit induire un effet relaxant et apaisant. Ses effets sur le système cardiovasculaire incluent une augmentation de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle et une réduction de l’irrigation sanguine dans certains tissus (Dalkou & Clair, 2017).
La consommation de nicotine induit une dépendance sur trois niveaux (Benowitz 2008) :
La cigarette, fabriquée à partir de feuilles de tabac, est le principal mode de consommation de nicotine. Outre la nicotine, de nombreux additifs tels que des arômes et des agents humectants sont ajoutés au cours de la fabrication, augmentant l’attractivité des produits. Lorsqu’il est brûlé, le tabac subit des transformations chimiques à haute température (entre 600 et 900 degrés), libérant une fumée complexe composée de plusieurs milliers de substances. Parmi celles-ci, environ 70 sont reconnues comme cancérigènes, notamment des composés tels que les nitrosamines, les hydrocarbures, des métaux lourds ou des goudrons (Secretan et al, 2009). Si c’est la nicotine qui rend dépendant, c’est donc bien la combustion du tabac, lorsqu’il est brûlé, qui génère différentes maladies cardiovasculaires et cancers et qui cause la mort d’environ 9’500 personnes par année en Suisse.
Chaque cigarette contient entre 7 et 13mg de nicotine, avec une moyenne à 10mg. La quantité de nicotine absorbée dépend toutefois de la façon de consommer (stop-tabac).
Les vapoteuses, ou cigarettes électroniques, ont été popularisées au début des années 2000. Il s’agit de dispositifs électroniques (Electronic Nicotine Delivery Systems – ENDS), munis de batterie et qui produisent un aérosol en chauffant un liquide composé de propylène-glycol, de glycérol, d’arômes et de nicotine. Contrairement aux cigarettes, elles ne produisent ni combustion ni pyrolyse, ce qui en fait un mode de consommation moins nocif de la nicotine.
Les vapoteuses sont rechargeables et l’on peut généralement choisir la quantité de nicotine contenue dans le liquide (entre 0 et 20mg/ml). On parle de puffs pour les modèles de cigarettes électroniques qui ne sont pas rechargeables (ni la batterie, ni le liquide) et que l’on doit donc jeter une fois vides. Les puffs, en plus de jouer le rôle de produit d’appel attractif d’entrée dans la nicotine pour les jeunes, sont de plus de véritables catastrophes écologiques.
Aujourd’hui, le vapotage est reconnu comme le moyen le plus efficace pour le sevrage tabagique. L’étude ESTxENDS, la plus grande étude au monde sur l’utilisation du vapotage comme aide à l’arrêt du tabagisme et réalisée en Suisse, a montré que les consultations de sevrage du tabac étaient plus efficaces avec l’utilisation de vapoteuses que sans. Vapoter n’aide cependant pas à se sevrer de la nicotine (Auer et al, 2024).
Innovations de l’industrie du tabac, les dispositifs de tabac chauffé (IQOS, Glo, Ploom) sont composés d’une batterie qui chauffe des mini cigarettes de tabac que l’on introduit dans le dispositif. Si l’industrie du tabac vante ces produits comme étant sans fumée, ils produisent néanmoins une combustion et une pyrolyse incomplète qui ne les différencient que peu des cigarettes traditionnelles. L’utilisation de ces dispositifs de tabac chauffé est fortement déconseillée et il vaut mieux se tourner vers les vapoteuses pour cesser de fumer.
Le tabac peut également se consommer sans inhalation et de différentes manières. Ces différents modes de consommation se popularisent en Suisse et l’on en trouve de plus en plus dans les magasins à coup de grandes campagnes marketing. Ces formes de tabac non fumé sont également addictogènes et comportent des risques pour la santé. A l’heure actuelle elle ne sont pas reconnues comme utiles pour le sevrage tabagique. Parmi les plus courantes, on trouve :
En 2022, 24% de la population suisse âgée de 15 ans et plus déclare fumer, un chiffre en baisse par rapport à la précédente enquête de 2017 (27%). La même année, 16% de la population a fumé quotidiennement. Les hommes fument plus que les femmes (respectivement 27 et 21%). La consommation de tabac varie aussi en fonction des caractéristiques sociodémographiques, étant liées aux inégalités sociales : on compte 27% de fumeurs chez les personnes dont le secondaire II est le plus haut niveau de formation et 20% chez les personnes avec un degré de formation tertiaire (ESS 2022).
Les cigarettes traditionnelles restent largement dominantes sur le marché, bien que les produits alternatifs comme le tabac chauffé et les cigarettes électroniques gagnent du terrain, surtout chez les jeunes adultes. Le vapotage connaît une croissance notable en Suisse, bien que son utilisation reste bien moins répandue que celle des cigarettes classiques. En 2022, 4,3% de la population suisse vapotait au moins une fois par mois. Cette proportion monte cependant à 9,2% chez les jeunes de 15 à 19 ans (ESS 2022).
Les coûts sociaux liés à la consommation de tabac s’élèvent à environ 5 milliards de francs par an (Polynomics 2021).
Le tabagisme est responsable d’environ 9’500 décès par an, soit 14% de l’ensemble des décès. Il s’agit de la première cause de mortalité évitable.
La législation suisse sur le tabac regroupe plusieurs lois et ordonnances visant à protéger la santé publique tout en régulant la consommation de tabac et des produits associés, comme les cigarettes électroniques. Il convient cependant de souligner que politique et tabac ne font pas bon ménage en Suisse : selon le Global Center for Good Governance in Tobacco Conrol, sur 90 pays évalués, la Suisse se classe au 89ème rang des pays où l’ingérence du lobby du tabac est la plus forte dans la politique (Global Tobacco Industry Interference Index 2023).
Voici un aperçu des différentes lois et ordonnances fédérales concernées par le tabac et la nicotine :
D’autres lois, telles que la loi sur les entraves techniques au commerce (LETC) et la loi sur la radio et la télévision (LRTV), contribuent à réguler le commerce des produits du tabac et à interdire leur publicité dans les médias. Ces législations visent à limiter les risques liés à la consommation de tabac tout en encadrant le marché, notamment à travers des restrictions sur les produits importés et les méthodes de promotion.
A noter que de nombreuses prérogatives sont laissées aux cantons et que les lois peuvent donc passablement changer d’un canton à l’autre. L’OFSP met à disposition une vue d’ensemble des différentes lois cantonales dans le domaine du tabac et de la nicotine sur son site internet.