Ces dernières années, les liens entre consommation de substance et identité de genre/orientation sexuelle sont de plus en plus pris en compte. Dans ce contexte, il est capital que les professionnels des deux domaines collaborent étroitement et disposent des connaissances nécessaires afin d’accompagner au mieux les personnes concernées.
Lorsqu’on utilise l’acronyme LGBTQI (Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transsexuel, Queer, Intersexe), sont associées des notions appartenant à des registres de sens différents, à savoir les notions de sexe, de genre et de sexualité, il est donc important de poser une première distinction terminologique pour clarifier ces notions :
Les préjugés institutionnalisés (absence de contenus LGBTQI dans les cours, langage négatif, obstacles administratifs, …), la peur et état d’alerte (peur du rejet, d’être victimes de violences, …), la trans-, l’homo- et la biphobie intériorisées (conflits, intérieurs, …) influencent le bien-être des minorités sexuelles en termes de santé.
Dans ce contexte, il a souvent été mis en évidence que les personnes LGBTQI présentent des consommations de produits/comportements addictifs plus élevés que le reste de la population (voir le document de Promotion Santé Suisse).
Les spécialistes attirent également l’attention, en ce qui concerne le milieu « gay » notamment, sur l’usage de psychotropes (principalement stimulants) dans le cadre de rapports sexuels (soit le Chemsex). Dans ce contexte, les différents risques qui peuvent survenir sont :
– Transmissions d’infections – par voie sexuelle, par injection ou par sniff, qui peuvent être plus fréquentes
– Intoxications et mauvaises descentes
– Perte de maîtrise des consommations, désocialisation, dégradation de la santé
Dans le domaine de la prévention, les expériences existantes en termes de collaboration entre les deux champs (addictions et sexualité) ont mis en lumière un défi important à relever : celui de trouver un terrain d’entente malgré des cultures professionnelles et des sensibilités différentes.
Malgré les difficultés qu’elle comporte, ce type de collaboration permet de mieux intégrer les règles du safer sex dans le domaine de la prévention des addictions pour diminuer le nombre de rapports sexuels non protégés liés à des consommations. Une prévention qui doit être pensée comme universelle, adressée à un large public (indépendamment de l’identité de genre ou l’orientation sexuelle des personnes).
De plus il s’agirait d’élargir les problématiques abordées, des thématiques plus délicates comme les abus et viols liées aux consommations de substance sont encore peu (voir insuffisamment) abordés dans le domaine de la prévention.
Dans le domaine de la réduction des risques, plusieurs mesures associant les thèmes de la sexualité et des addictions existent. Des kits de réduction des risques (paille à snif et préservatifs) sont par exemple distribués dans les milieux festifs connus pour ce type de consommations. L’enjeu majeur de la réduction des risques est la diminution des infections VIH. Dans ce cadre la collaboration interdisciplinaire semble avoir fait ses preuves.
Un enjeu important consiste à renforcer les compétences et ressources des professionnels via une étroite collaboration interdisciplinaire et des formations. D’une part des formations en santé sexuelle pour les professionnels des addictions. D’autre part, des formations en addictions pour les professionnels de la santé sexuelle.
La prise en compte du genre dans le domaine des addictions a montré une amélioration de la qualité des offres proposées, entre autres, par la planification et la mise en œuvre de projets ciblés, adaptés aux spécificités des femmes et des hommes. En favorisant l’accès aux prestations et en encourageant et soutenant l’émergence et le développement des processus de changement pour sortir de la dépendance, l’approche « Genre » a montré son efficacité.
La recherche a mis en évidence des spécificités dans les addictions des femmes et des hommes. Par exemple, si l’on considère les aspects physiologiques, il est démontré qu’à quantité égale d’alcool absorbé, les femmes ont un taux d’alcool dans le sang supérieur à celui des hommes.
La recherche a également mis en évidence que femmes et hommes ont des comportements addictifs différents. Pour illustration, les femmes consomment et abusent plus de somnifères et tranquillisants que les hommes ; les hommes sont plus souvent dépendants de l’alcool et des drogues dures que les femmes ou encore, l’addiction au jeu touche largement plus les hommes que les femmes. En tenant compte de ces spécificités, des projets ciblés peuvent être développés qui prennent tout leur sens. Actuellement, les interventions de prévention ne prennent pas suffisamment en compte les aspects liés au genre. Les approches qui le font sont peu nombreuses et tiennent surtout compte de l’aspect biologique, et très peu des aspects culturels et sociaux. Pourtant, la question n’est pas uniquement de savoir dans quelle mesure le genre influence les modes de consommation et la dépendance, mais aussi comment certaines manières de consommer servent à mettre en scène sa propre virilité ou féminité, ou entrent dans un jeu d’interactions entre les genres.
Selon l’étude HBSC 2014 d’Addiction Suisse, si les motifs de consommations ne diffèrent pas entre les garçons et les filles, les motifs de renforcement (se remonter le moral, oublier les problèmes) sont plus évoqués chez les filles de 15 ans. Le manque d’adultes de référence et de véritables modèles masculins semble être une des causes de l’apparition d’une dépendance chez les garçons. Dans le cadre de leur socialisation, les filles apprennent trop peu à reconnaître leurs propres limites, à se respecter, à ne pas se perdre dans les relations et à dire non. En vue de créer un climat plus favorable et d’amoindrir les facteurs de risques menant les jeunes à développer des consommations problématiques en lien avec des questions liées au genre, il existe actuellement de nombreuses ressources (notamment pour un climat scolaire plus égalitaire). Une prévention efficace est nécessairement éducative et participative, ainsi des ressources comme Matilda (site proposant des vidéos, accompagnées de ressources pédagogiques sur ces thématiques) sont utiles pour améliorer les conditions-cadres des adultes de demain.
Enfin, sachant qu’il y a 2 à 5 fois plus de suicide chez les jeunes LGBTQI que chez les jeunes hétérosexuels, les violences symboliques liés à l’hétéronormativité devraient être amoindries par des adultes avertis et suffisamment conscients et attentifs pour ne pas renforcer les nombreux stérérotypes liés aux questions de genre.
Les professionnels des addictions mais aussi de la sexualité se retrouvent de plus en plus régulièrement confrontés à des situations recoupant les deux thématiques (genre, orientation sexuelle et addictions). Il est donc nécessaire d’accentuer les échanges entre ces deux milieux et de renforcer les connaissances des spécialistes dans ce domaine qui n’est pas leur champ principal. Être informé des différentes problématiques existantes permet d’aborder plus facilement ce sujet de manière plus adéquate et moins stigmatisante.
Il est important de souligner que la sexualité est un élément positif capable d’aider les usagers à se sentir mieux et à rétablir des relations sociales. De ce point de vue, il existe une série de droits dans ce domaine, notamment : le droit d’avoir une sexualité épanouie, non risquée et bien vécue. La Déclaration des droits sexuels de l’IPPF (International Planned Parenthood Federation) délivre de précieuses indications sur les droits sexuels.