Consommation contrôlée

Alors que l’abstinence a longtemps été comprise comme la seule voie de rétablissement des alcolodépendants, dans les années 70 apparaît une voie alternative: la consommation contrôlée (CC). Celle-ci vise la maîtrise de la consommation et intègre la prévention des rechutes. Depuis ce changement de paradigme, cette option de traitement a été appliquée à d’autres substances psychoactives et, plus récemment, à d’autres conduites addictives.

Définition

Selon Harald Klingemann, chercheur à l’Université de Zurich, la consommation contrôlée est une consommation disciplinée, astreinte à un plan prédéfini, à savoir des règles établies quant à la quantité et au cadre. On peut aussi parler de consommation contrôlée chaque fois qu’une personne souffrant de conduites addictives décide de restreindre sa consommation dans le but de diminuer les conséquences négatives du produit/comportement tout en préservant le plus possible les conséquences positives. D’autres termes ont la même signification : traitement orienté sur le contrôle de la consommation, consommation maîtrisée, kontrolliertes Trinken, controlled drinking, moderate drinking, controlled drug use. La consommation contrôlée, en tant qu’approche thérapeutique, permet au / à la thérapeute et à l’usager / l’usagère de trouver une alternative à l’abstinence. La consommation se poursuit, mais de manière contrôlée.

Historique

Le modèle traditionnel addiction-maladie, d’abord développé dans le cadre de l’alcoolisme, a conduit à un objectif thérapeutique univoque, avec prescription systématique de l’abstinence. Dans cette perspective, le sujet malade ne pouvait connaître que deux états avec la substance : celui d’absence de contrôle de la consommation ou celui d’abstinence totale.

La mise en évidence par la recherche de consommateurs capables de maitriser leur consommation par David Davies, puis la création par les Sobell, dans les années 70 d’une démarche thérapeutique alternative, proposant le choix entre consommation modérée et abstinence, a révolutionné cette vision.

Pour G. Bühringer (Bühringer, 1997), le développement de la notion de consommation contrôlée a eu comme conséquences de :

  • Permettre de « découvrir » qu’il existe un éventail beaucoup plus large de modes de consommation problématiques que ceux traditionnellement retenus ;
  • Mettre en évidence la nécessité d’une approche thérapeutique plus différenciée et plus individualisée ;
  • Stimuler de nouveaux axes de recherche qui remettaient en question les orientations scientifiques d’alors, comme par exemple :  les recherches sur la prévention des rechutes et les recherches sur les stades de la disponibilité au changement.

Exemples

La consommation contrôlée peut être appliquée à plusieurs substances et comportements. En Suisse, plusieurs programmes de consommation contrôlée sont applicables à l’alcool, au cannabis ou encore aux jeux d’argent.

Alcool

Le concept de consommation contrôlée enregistre de bons résultats avec les consommateurs d’alcool, qu’ils soient modérés ou à risque. L’alcoologue genevois Pascal Gache dont on peut voir la vidéo ci-dessous, l’un des spécialistes de la consommation contrôlée, estime que tout programme de ce type devrait inclure:

  1. des paramètres clairs et explicites pour évaluer la consommation contrôlée,
  2. un consensus sur la valeur du verre-standard,
  3. un plan de traitement très clair et des ressources dûment expliquées au patient,
  4. des stratégies de négociation des buts et options thérapeutiques.

Programmes de consommation contrôlée :

Cannabis

La consommation contrôlée de cannabis s’adresse à des fumeurs réguliers ou occasionnels qui consomment lors de festivités, dans des réunions entre amis ou pour atteindre une certaine détente. Sur l’application et site stop-cannabis, un premier test est réalisé afin d’évaluer la consommation. Par la suite, l’application peut aider l’usager / usagère à diminuer sa consommation ou l’arrêter. Elle donne aussi un bon curseur aux dépenses financières.

Programmes de consommation contrôlée :

www.stop-cannabis.ch : Mes choix – cannabis

Opiacés

Les traitements antagonistes opiacés (TAO, aussi appelés traitements de substitution) à des fins de maintenance peuvent être considérés comme une forme de consommation contrôlée. Il s’agit de distribuer, sous contrôle médical et dans des lieux appropriés, des opiacés ou produits assimilés qui puissent permettre aux usagers et usagères de vivre dans de bonnes conditions et, souvent, de continuer à travailler. L’OFSP y consacre deux pages.

Jeux de hasard et d’argent

Sur le plan des jeux d’argent, une activité qui peut engendrer beaucoup de souffrance dans un large entourage, des programmes de consommation contrôlée peuvent soutenir les joueurs et joueuses dans l’auto-contrôle de leur consommation.

Programmes de consommation contrôlée :

https://www.safer-gambling.ch/

Nicotine

La consommation contrôlée de nicotine a été développée dans un programme allemand (www.kontrolliertes-rauchen.de). Toutefois, les experts ne s’accordent pas sur ce qui serait une consommation de nicotine non dommageable. La forte addictivité explique également que la CC dans ce domaine n’a pas véritablement pris son essor, bien qu’il existe de nombreux modes de consomation alternatifs qui le permettent (vaporette, patch, chewing-gum).

Consommation contrôlée et self-help

La CC se distingue cependant du « self-help » et de la gestion personnelle des consommations. La CC se base sur un cadre structuré, qui permet aux personnes de contrôler leur comportement. La gestion personnelle de la consommation fait référence à la capacité pour une personne de gérer ses consommations. Alors que la CC classique interrogeait la possibilité de mettre en œuvre un traitement alternatif à l’abstinence, la question centrale est devenue « Comment promouvoir le self-change » auprès de personnes ayant des conduites addictives.

La consommation contrôlée aussi pour les usagers et usagères modérés

Même si cette consommation contrôlée peut être adoptée chez des personnes sévèrement dépendantes, les études confirment que plus la sévérité de la dépendance est élevée, plus la probabilité de retour à la consommation contrôlée est faible (Gache, 2007).

Position des professionnels

Pour le GREA, il serait bien sûr faux d’opposer consommation contrôlée et abstinence. Il s’agit de perspectives qui ne s’adressent pas aux mêmes personnes, ni aux mêmes situations. Ainsi, de même que les programmes thérapeutiques avec prescription d’héroïne viennent compléter et non pas contredire la ligne générale à visée d’abstinence, l’intégration de la notion de consommation contrôlée dans le réseau alcool ne doit pas se faire au détriment du travail effectué par les institutions et groupes d’entraide qui travaillent avant tout avec l’abstinence.