Vieillir avec une addiction

20.11.2025

Le GREA mène un projet intitulé Senior·e·s & Addiction(s), mandaté par le Fonds de prévention en matière d’alcool de l’OFSP. L’objectif: améliorer la qualité de vie des personnes âgées confrontées aux addictions et renforcer les compétences des équipes professionnelles qui travaillent dans les structures d’accompagnement pour personnes âgées.

Le vieillissement de la population est une réalité incontournable. Avec l’âge, certaines personnes restent ou deviennent confrontées à des problèmes d’addiction. Les structures d’accompagnement, comme les EMS, doivent donc apprendre à gérer ces situations de plus en plus fré-quentes. «Or, les professionnels sont un peu mal pris», constate Fabrice Rosselet, chef de projet senior au GREA. C’est pour répondre à ce besoin qu’un projet, intitulé «Senior·e·s & Addiction(s)» a vu le jour. L’objectif est de renforcer les compétences des équipes professionnelles, sans nécessairement prôner l’abstinence, afin d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées. Les EMS ne sont toutefois pas seuls concernés. Les organisations d’aide et de soins à domicile rencontrent aussi ces problématiques, mais dans un contexte différent: «Les soignantes et soignantes se rendent au domicile des personnes, et donc dans leur intimité, ce qui complexifie leur accompagnement», souligne Fabrice Rosselet. Pour le GREA, il est donc essentiel de créer des ponts entre les secteurs du vieillissement et celui des addictions. «Ces deux univers gagnent à collaborer. Les professionnels travaillant avec les seniors doivent disposer de ressources solides: c’est le cœur de notre mandat.». Au-delà des pratiques professionnelles, ces enjeux sont collectifs car ils relèvent aussi de choix politiques en matière de santé et de vieillissement.

Le monde social et le monde médical

Le premier volet du projet Senior·e·s & Addiction(s) prendra la forme d’une demi-journée gratuite d’échanges interprofessionnels, en février prochain, à Lausanne. «L’idée est de croiser les expériences», explique Fabrice Rosselet. Le programme s’articulera autour de deux conférences. La première portera sur les spécificités des addictions chez les personnes âgées. La seconde abordera la question de la stigmatisation. À ces conférences s’ajoutent quatre ateliers. L’un sera consacré aux EMS, avec un focus sur la réduction des risques et l’intervention précoce. Un autre abordera les soins à domicile, où les soignantes et soignants accompagnent les personnes directement dans leur intimité. Le troisième atelier traitera du travail interprofessionnel et le soutien possible de chaque acteur. Enfin, le dernier concernera les établisse-ments psycho-sociaux médicalisés, qui accueillent des per-sonnes parfois plus jeunes mais dont la consommation a fortement altéré le corps. Le second volet consistera en une formation pilote, développée à partir des besoins identifiés lors de cette demi-journée. Testée jusqu’en 2027, elle permettra d’affiner les contenus et de créer des outils adaptés. À terme, ces modules devraient rejoindre le catalogue de formation du GRE, avec la possibilité d’être déclinés sur mesure, par exemple pour les directions d’institutions ou d’autres corps de métier. L’enjeu: trouver le juste équilibre entre une formation assez généraliste pour concerner tout le personnel, et suffisamment précise pour offrir des réponses adaptées à chaque contexte. Les cas concrets occupent donc une place centrale. «C’est la réalité du terrain qui doit guider la réflexion», insiste Fabrice Rosselet. «Ce travail doit aussi permettre de rapprocher deux univers qui fonctionnent parfois en parallèle: le monde social et le monde médical.»

Sur le terrain, les difficultés sont multiples. Par exemple, comment les collaboratrices et collaborateurs peuvent-ils répondre au souhait des résidentes et résidents de partager un apéritif dominical? Comment assumer en parallèle leur responsabilité de maintenir un cadre institutionnel cohérent, de prévenir les risques liés à l’alcool et de gérer les attentes parfois divergentes des familles? La réponse à ces questions doit prendre en compte trois dimensions: 1) la santé (par exemple l’interaction avec les médicaments; 2) le social (lien social et convivialité) et 3) le respect de l’autodétermination (par exemple les habitudes de vie et modes de vie). Ces situations placent souvent le personnel socio-sanitaire dans l’incertitude. «Nous voulons proposer des outils pour accompagner sans juger, en respectant la dignité des personnes», souligne Fabrice Rosselet. Ce type de tension illustre la nécessité d’ouvrir la discussion, de partager les expériences et de chercher des solutions réalistes adaptées à chaque contexte, en prenant en compte également l’avis des personnes âgées.

Réduction des risques, un héritage suisse

Pour le GREA, la clé réside dans l’approche de réduction des risques, héritée de la politique suisse des «quatre piliers» (prévention, thérapie, réduction des risques et répression) développée depuis les années 1990. Cette stratégie a permis à de nombreuses personnes consommatrices de vivre plus longtemps. Aujourd’hui, une partie de cette génération vieillit, parfois prématurément sur le plan physiologique. «Dans les mesures d’accompagnement, on peut observer un décalage entre l’âge social et l’âge du corps», relève Fabrice Rosselet. Les effets de la consommation s’ajoutent au vieillissement naturel et exigent un soutien spécifique «L’idée est de mieux relier le savoir théorique et la pratique quotidienne», résume le chef de projet. En effet, vieillir libre et être accompagné dignement est un droit. Il est donc nécessaire de proposer des structures adaptées pour accueillir les personnes vieillissantes consommatrices, notamment celles ayant bénéficié des programmes de réduction des risques, comme les produits de substitution.