Pour aller au-delà de « l’anesthésiant pour cheval » : article sur la kétamine

Souvent réduite à un simple tranquillisant vétérinaire, la kétamine mérite qu’on s’y attarde un peu plus sérieusement. Un essai de Mike Jay, intitulé non sans ironie « Comment la Grande-Bretagne est tombée dans le K-hole », retrace non seulement son histoire, mais surtout la pluralité de ses usages, ses significations multiples et les paradoxes du durcissement de la loi britannique à son encontre.

Dans le flot de discours mal informés et de caricatures sur les drogues, rares sont les textes qui prennent la peine de restituer la complexité réelle des usages. Cet article sur la kétamine y parvient : il ne se contente pas de retracer son évolution, de l’anesthésie de guerre à la piste de danse, mais explore aussi la diversité des contextes — thérapeutiques, récréatifs ou cliniques — où elle s’est insérée. Le récit montre comment une substance sans ancrage culturel a trouvé sa place dans de nombreux usages actuels.

À travers ce parcours, on voit aussi un cas d’école des paradoxes de la prohibition : comme pour les cathinones de synthèse, dont la diffusion a augmenté après leur classement comme stupéfiants, la reclassification de la kétamine au Royaume-Uni a souvent eu l’effet inverse de celui escompté : élargissement de la consommation, intégration dans les marchés illicites, augmentation des risques sanitaires – notamment des lésions graves de la vessie observées chez les usager·e·s chroniques. Ce phénomène met en lumière les limites d’une réponse strictement répressive à des usages socialement installés.

Enfin, difficile d’ignorer que la kétamine fait désormais partie du paysage des psychothérapies assistées par psychédéliques, comme c’est le cas notamment aux Hôpitaux universitaires de Genève. Son statut légal, contrairement à d’autres substances en cours d’essais cliniques, lui a permis d’être utilisée dans des cadres privés, parfois sans accompagnement réel, révélant une autre ligne de fracture : entre innovation médicale et inégalités d’accès aux soins. Si elle est perçue par certains comme une solution rapide contre la dépression, elle reste aussi, pour d’autres, un palliatif bon marché aux dures réalités du quotidien. Bref, pas seulement une drogue pour chevaux.