Postcure et « accompagnement continu » : une perspective pratique

En 2023, le GREA a réalisé sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique une enquête nationale sur la « postcure » dans le domaine des addictions. Menée en collaboration avec le Fachverband Sucht et Ticino Addiction, la recherche visait notamment à déterminer si les pratiques des professionnel·le·s coïncident avec des éléments théoriques préalablement identifiés. Les résultats mettent en évidence des différences avérées entre la pratique et la théorie ainsi que la nécessité de nouvelles approches.

Comme le montre un rapport d’Addiction Suisse réalisé en 2022, du point de vue de la littérature scientifique, la postcure s’adresse à toutes les personnes qui se trouvent dans un état stabilisé d’abstinence ou de consommation contrôlée, à la suite d’une phase de traitement plus intensive. Le suivi comprend toutes les mesures et activités qui visent à accompagner les personnes dans la poursuite de leur parcours de consolidation physiologique, psychique et sociale, en les aidant à acquérir une plus grande autonomie. Dans cette optique, les mesures à la fois psychosociales et ambulatoires prédomineraient. Toutefois, au regard des résultats de la recherche effectuée par le GREA, le Fachverband Sucht et Ticino Addiction où nombre de professionnel·le·s des addictions et de personnes concernées ont été interviewés, la réalité du terrain est plus complexe. Les principaux constats en lien aux points de convergence et divergence entre théorie et pratique sont les suivants :

Quels aspects du concept théorique sur la postcure trouvent un écho dans la pratique ?

Les offres de postcure favorisent l’autonomie des personnes concernées et facilitent leur réinsertion sociale (recherche de logement, intégration professionnelle, démarches administratives, etc.). Les besoins et les parcours de soins varient d’une personne à l’autre, ce qui requiert de la flexibilité de la part des institutions et des professionnel·le·s. Dans ce contexte, la collaboration et la coordination avec d’autres institutions du domaine sociosanitaire jouent un rôle important. Les personnes ayant tissé une bonne relation avec les professionnel·le·s parviennent mieux à exprimer leurs besoins et à demander du soutien.

Quels aspects du concept théorique de postcure ne font pas l’unanimité chez les professionnel·le·s et les personnes concernées?

Du point de vue de la pratique, le concept théorique de « postcure » présuppose une compréhension séquentielle, linéaire et chronologique d’un parcours de traitement. Selon cette perspective, les personnes concernées passent par différentes étapes dans un ordre défini qui aboutiraient vers une réinsertion socioprofessionnelle. Or, l’expérience pratique montre que les problématiques d’addiction évoluent de manière très individuelle et ne suivent pas un déroulement prédéfini. Elles nécessitent un accompagnement continu et axé sur les besoins, lequel peut durer des années, voire toute une vie. De plus, la postcure ne peut pas non plus être attribuée à un domaine de compétence particulier, ni à un setting spécifique. Il s’agit plutôt d’une étroite imbrication des domaines médical, psychologique et social.

Quelle terminologie pour l’avenir?

Étant donné les décalages entre les pratiques de terrain et les connaissances issues de la littérature scientifique, les termes d’ « accompagnement continu » ou de « soins continus » – « fortführende Begleitung » en allemand et « continuità delle cure » en italien – pourraient être privilégiés à ceux de « postcure », de « Nachsorge » et « post-cura », du fait qu’ils englobent les aspects sociaux, médicaux et psychologiques et reflètent mieux les dimensions de la chronicité et de l’évolution non linéaire d’une problématique d’addiction. Ces différents éléments sont présentés dans le rapport intégral (en français), ainsi que dans les résumés et les fiches d’information de l’OFSP dans les trois langues.