Politiques des drogues et développement : le PNUD appelle à dépasser la dépénalisation et à réguler les marchés

Dans un nouveau rapport publié en 2025, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) examine comment les politiques en matière de drogues affectent le développement durable. Face à un marché illicite évalué entre 600 et 1 000 milliards de dollars, l’étude démontre que les approches punitives ont largement échoué et appelle à envisager la régulation légale des marchés pour atteindre les Objectifs de développement durable.

Le rapport Development Dimensions of Drug Policy constitue le troisième document d’une série produite par le PNUD sur les politiques des drogues et le développement. Il analyse les liens entre les politiques en matière de substances et plusieurs enjeux cruciaux : les droits humains, la gouvernance, la santé publique, l’environnement et la biodiversité.

Échec des approches répressives et limites des réformes actuelles

L’étude souligne que les politiques répressives ont principalement alimenté la violence, la corruption, l’incarcération de masse et les crises sanitaires, sans réduire significativement les dommages liés aux substances. Face à ce constat, de nombreux pays s’orientent vers des réformes fondées sur les preuves scientifiques et les droits humains, notamment la dépénalisation et la réduction des risques.

Toutefois, le PNUD souligne que ces mesures restent insuffisantes : la dépénalisation ne traite pas la question de la production ou de l’approvisionnement, le développement alternatif ne réduit pas la taille des marchés illicites, et la réduction des risques ne répond qu’aux conséquences de la consommation. Résultat : les groupes criminels organisés continuent de contrôler la majorité des marchés de substances, perpétuant les violences et limitant les retombées positives des réformes.

La régulation : opportunités et risques

Le rapport plaide pour une exploration sérieuse de la régulation légale des marchés de substances. Cette approche pourrait permettre aux gouvernements de contrôler la puissance, la qualité et la disponibilité des produits, tout en éliminant les incitations au profit qui alimentent l’expansion des marchés. Les ressources économisées en matière de répression et les revenus fiscaux potentiels pourraient être réorientés vers des programmes de santé et sociaux.

Cependant, le PNUD met en garde contre les pièges observés dans l’industrie du cannabis légal en Amérique du Nord, où les personnes issues de communautés précédemment criminalisées se voient exclues des marchés légaux en raison de leurs casiers judiciaires, aggravant ainsi la pauvreté et les inégalités. Le rapport insiste sur la nécessité de cadres réglementaires stricts : restrictions marketing sévères, mesures antitrust, modèles de licences d’intérêt public, et priorité absolue à la santé publique plutôt qu’aux intérêts commerciaux.

Un enjeu de justice mondiale

Le rapport souligne les inégalités mondiales générées par les politiques actuelles : les régions productrices du Sud global continuent de subir les conséquences les plus graves de la prohibition, alimentée par la demande du Nord. Le PNUD appelle à une transformation intentionnelle et coordonnée au niveau international.

Historiquement, les politiques d’éradication forcée des cultures en Colombie, au Pérou et en Bolivie – pulvérisations aériennes, destructions, interventions militarisées – n’ont pas réduit l’ampleur des marchés, mais ont au contraire exacerbé la pauvreté, alimenté la violence et déplacé les cultures vers des zones toujours plus reculées. Dans les régions andines, où la coca est cultivée depuis des millénaires par des communautés paysannes et autochtones, ces approches ont provoqué des déplacements forcés, la déforestation de territoires protégés et de graves violations des droits humains. En Colombie, un processus politique est en cours pour dépasser l’échec des approches répressives, avec la volonté de réparer les torts causés par la « guerre à la drogue » et d’avancer vers des politiques fondées sur les droits humains et la régulation des marchés, comme le souligne également la Commission globale de politique en matière de drogues dans un papier de position.

Pendant ce temps, la demande en cocaïne du Nord global continue d’alimenter le marché illicite. Le rapport documente également les impacts environnementaux : perte de biodiversité, pollution des sols et des eaux, destruction de forêts primaires, tant par la culture illicite que par les opérations d’éradication elles-mêmes.

Un appel à l’action

Destiné aux responsables politiques, aux organisations multilatérales, au milieu académique et à la société civile, le document appelle à une approche des politiques des drogues orientée vers le développement et fondée sur les droits humains, alignée avec les Objectifs de développement durable et le principe onusien de « ne laisser personne de côté ».