Forte des résultats de la session estivale, la plateforme usager·e·s du GREA mise sur un format itinérant : il n’est pas question de réunir, inviter, ou convoquer les personnes concernées dans un lieu spécifique, mais d’aller à leur rencontre, et d’avoir des échanges libres dans des endroits différents en Suisse romande. C’est dans ce cadre que les coordinateurs de la plateforme se sont rendus Au Seuil(link is external) dont ils remercient au demeurant l’équipe pour leur accueil, ainsi que les participant·e·s pour leur intérêt.
Bien que les échanges aient été très divers, on peut identifier un certain nombre d’aspects récurrents. En premier lieu ressort la précarité et les difficultés rencontrées au quotidien qu’elles soient socioéconomiques ou liées au logement. Cette première affirmation à la fois sarcastique et lapidaire a d’ailleurs donné le ton : « il fait froid, je suis à la rue, mon addiction c’est le chauffage ».
Ce propos, tout comme d’autres du même genre, renvoie à une réalité déjà abordée lors de la précédente PF usager·e·s, et plus généralement par le GREA lors de prises de position : les addictions sont en grande partie le produit de déterminants sociaux, plus que d’une responsabilité individuelle, ou de la dangerosité des substances.
Toutefois l’impact de ces dernières, que cela soit sur la santé ou sur les interactions sociales, ne doit pas être pour autant écarté. À cet égard, la majorité des personnes ayant participé à la plateforme ont manifesté leur préoccupation par rapport au fait qu’il y a davantage de cocaïne et de crack sur le marché. Plusieurs personnes expliquent que ce phénomène a eu pour conséquence une sorte de scission du groupe d’habitué·e·s qui fréquentent le lieu : il y a d’une part les personnes qui consomment du crack et qui se situent à l’écart, et d’autre part les « ancien·ne·s » qui consomment de l’héroïne ou de la méthadone. En effet, il semble que l’apparition de nouveaux marchés et de nouveaux dealers a créé des tensions entre usager·e·s et une détérioration de l’atmosphère (violence, vols, bagarres, etc.).
Par ailleurs, beaucoup de « réclamations » ont été émises par rapport au contexte du Canton de Fribourg. Sans entrer dans les détails, elles ont eu trait essentiellement à des politiques jugées « conservatrices », à l’influence de l’Église sur la politique fribourgeoise, et à la relation avec la police jugée globalement mauvaise. À ce sujet, et pour aborder des aspects plus positifs, l’un des participants estimait que cela serait constructif que les policier·e·s viennent une fois faire une présentation de leur travail, et que les interactions ne se résument pas seulement à des contrôles et des interventions.
Une autre personne explique également qu’à ses yeux il y a beaucoup de flous dans le contexte helvétique par rapport à ce qui est permis et ce qui est interdit d’une région à l’autre. Dès lors, elle souhaiterait que les choses soient mieux clarifiées. En effet, elle pense que c’est quelque peu déroutant qu’il y ait une forme de tolérance dans certains cantons, par exemple vis-à-vis de la consommation de cannabis sur l’espace public, alors que dans d’autres la personne est amendable. Certaines villes suisses allemandes, telles que Berne et Lucerne, sont parfois citées comme exemples de villes où « les autorités sont plus relax et ouvertes ».
Enfin, un dernier souhait – largement partagé – concerne le fait de pouvoir compter sur un espace de consommation sécurisé (ECS): « cela fait bientôt 40 ans qu’on en parle et il n’y a rien », explique un habitué, Coco. Il rajoute qu’il aimerait venir boire son café et discuter avec des ami·e·s et connaissances, mais sans qu’il y ait des « tentations ». En effet, il estime que la consommation sur l’espace public constitue un problème, car cette consommation a un côté incitateur.
Les propos sont intéressants au sens où ils renversent certaines perspectives: Coco laisse entendre que l’ECS constitue une protection, non seulement pour les consommateurs/trices, mais également pour éviter les stimuli sur des personnes qui auraient arrêté de consommer (ou qui sont en traitement de substitution). En deuxième lieu, il suggère que c’est davantage un certain laisser-aller, et le fait qu’il y ait des personnes qui consomment sur l’espace public, qui fait « appel d’air », et non l’ECS en soi. Il convient de le préciser, car les croyances à savoir que les mesures qui relèvent de la RDR faciliteraient la transgression, ou inciteraient à la consommation, sont encore tenaces.