Deux des marques d’aliments pour bébés les plus vendues par Nestlé contiennent des niveaux élevés de sucre ajouté dans les pays à faible revenu ou intermédiaire, ce qui n’est pas le cas en Suisse et certains pays européens. Un « deux poids deux mesures » qui n’est pas sans rappeler des pratiques colonialistes, tel que le souligne l’ONG Public Eye qui est à l’origine de l’enquête.
En effet, alors que le géant agroalimentaire affirme se préoccuper pour la santé des enfants et ne pas rajouter de sucre dans ses produits, comme c’est le cas par exemple au Brésil, il ressort de l’enquête de Public Eye, en collaboration avec l’IBFAN, que sur les 115 produits commercialisés dans les principaux marchés de Nestlé en Afrique, en Asie et en Amérique latine, 94% contiennent du sucre ajouté.
« Pourquoi les industriels ont-ils recours au sucre dans leurs préparations ? » demande un journaliste de la RTS à la diététicienne du CHUV, Sylvie Borloz. Celle-ci explique que le sucre ajouté modifie le gout des aliments et favorise une attirance pour les produits, tout en rappelant que, nutritivement parlant, l'ajout de sucre n’est pas nécessaire, et qu’il a fallu légiférer pour l'interdire dans les produits pour nourrissons dans les pays européens. Elle estime en outre que cela induit une forme de dépendance.
Ce constat est partagé par Rodrigo Vianna, épidémiologiste et professeur au département de nutrition de l’Université fédérale de Paraíba, au Brésil. Cité par Public Eye, il souligne que « le sucre ne devrait pas être ajouté aux aliments destinés aux bébés et aux jeunes enfants parce qu’il est inutile et a un fort pouvoir addictif ». Une situation jugée également « problématique, tant du point de vue éthique que de santé publique » par l’OMS en pointant du doigt les risques liés à une consommation élevée de sucre (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, etc.).
Interrogé sur ses pratiques et la gravité des faits, Nestlé affirme respecter les législations en vigueur. Une invitation à œuvrer donc pour une meilleure régulation, comme pour les drogues. Une invitation également à relire l'édito de Jean-Félix Savary, ancien secrétaire général du GREA, qui notait en 2022 : « c’est notre économie qui épouse la rationalité de l’addiction. Partout, le besoin de stimuler la demande par une offre agressive accroit le recours à tous les subterfuges pour capter le client, le fidéliser, voir l’attacher à une consommation devenue reine ».