Selon Alessandro Cassini, médecin cantonal genevois, « les cas de consommation d’opioïdes de synthèse, comme le fentanyl, qui ravagent l’Amérique du Nord, restent anecdotiques ». Néanmoins, par prudence, le canton genevois a décidé de s’organiser. Une part importante des doses acquises sera confiée à la police, mais « personne n’a le droit de les utiliser avant d’avoir suivi une formation spécifique », précise le médecin cantonal.
Les professionnel·les de terrain de Première ligne, qui gère notamment le local de consommation Quai 9 près de la gare Cornavin, vont également se former. Thomas Herquel, directeur de l’association, explique : « Nous allons d’abord former les professionnels de Quai 9, puis viser les consommateurs eux-mêmes ». L’approche par les pairs s’avère en effet cruciale, les opioïdes étant souvent consommés en groupe.
Le canton de Vaud adopte quant à lui une stratégie différente. Pour l’instant, l’arrivée du spray nasal ne modifie pas le dispositif habituel, qui « a la capacité de répondre aux besoins », selon le Département de la santé et de l’action sociale. Le canton mise sur la prise en charge professionnelle via le 144 et les ambulanciers.
Sur le plan fédéral, une évolution importante est annoncée. Dès le 1er novembre, la naloxone en spray nasal sera réintégrée dans la liste de remise simplifiée de médicaments. Concrètement, elle pourra être délivrée en pharmacie sans ordonnance après consultation d’un spécialiste, sur l’ensemble du territoire suisse.
Dans une récente factsheet intitulée « Fentanyl et nitazènes : sommes-nous prêts ? », le GREA a identifié plusieurs pistes d’action concrètes pour anticiper l’éventuelle arrivée de ces opioïdes de synthèse puissants sur le marché illégal suisse :
Renforcer la capacité communautaire : valoriser l’expertise des personnes concernées en les impliquant activement dans la prévention, notamment via des formations entre pairs et le développement de réseaux communautaires. Le travail social hors‑murs constitue un levier clé.
Faciliter l’accès à la naloxone : explorer des solutions pour rendre les sprays nasaux accessibles aux personnes vulnérables ainsi qu’aux professionnels de première ligne, avec une formation adéquate à leur usage.
Développer le contrôle des substances : un outil essentiel pour détecter rapidement l’apparition de nouveaux produits. L’utilisation de bandelettes de test (test strips) pour le fentanyl et les nitazènes représente une solution peu coûteuse et efficace, qui doit être accessible à toutes et tous, notamment aux personnes en situation de précarité.
Mettre en place un système d’alerte précoce : développer un early warning system à l’échelle nationale et internationale, incluant les personnes concernées et assurant une coordination efficace entre villes, cantons et Confédération.
Si la situation actuelle semble demeurer stable, les mesures prises par les cantons et les recommandations du GREA témoignent d’une approche proactive, dans la logique de la politique des quatre piliers qui caractérise l’approche suisse en matière d’addictions.