Le constat de la CFANT est sans appel : les produits du tabac restent considérablement sous-imposés en Suisse par rapport aux recommandations internationales. En 2025, les taxes représentent 58% du prix de vente des cigarettes les plus vendues, contre 64% en 2009. Cette proportion place la Confédération bien en dessous du seuil de 75% recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et appliqué par les pays voisins. En comparaison, 28 pays européens avaient déjà atteint cet objectif en 2022.
Cette situation représente un manque à gagner considérable pour l’État, alors que le tabagisme demeure la première cause évitable de mortalité en Suisse avec 9’500 décès annuels et un coût sociétal de 4 milliards de francs par année. L’absence d’ajustement fiscal ces dernières années, combinée à la baisse des ventes, a entraîné une diminution des recettes pour les finances publiques.
Trois recommandations prioritaires
La CFANT formule trois recommandations principales pour réformer la loi fédérale sur l’imposition du tabac. Premièrement, augmenter de manière significative la taxation des cigarettes conventionnelles, avec une progression annuelle de 10% jusqu’à atteindre au moins 75% du prix de vente. Cette mesure permettrait de réduire la consommation, particulièrement chez les jeunes, tout en renforçant le financement de l’AVS et en diminuant les coûts du système de santé.
Deuxièmement, imposer l’ensemble des produits du tabac à fumer – cigares, cigarillos, tabac à rouler, tabac à chicha – au même taux que les cigarettes conventionnelles. La CFANT recommande également de soumettre le tabac chauffé à cette même taxation, faute d’études rigoureuses démontrant une réduction significative des risques pour la santé. En revanche, les cigarettes électroniques et les produits à usage oral bénéficieraient d’une imposition réduite, compte tenu de leurs risques moins élevés établis scientifiquement.
Troisièmement, allouer systématiquement une part fixe des recettes fiscales issues de tous les produits du tabac au Fonds de prévention du tabagisme (FPT) et aux cantons. Cette mesure garantirait un financement pérenne des efforts de prévention auprès des jeunes, du soutien aux personnes souhaitant arrêter de fumer, du suivi de la consommation et de l’application de la législation sur les produits du tabac.
Une mesure de santé publique particulièrement efficace
Les données scientifiques démontrent que les politiques fiscales et tarifaires figurent parmi les moyens les plus efficaces pour réduire le tabagisme. Dans les pays à revenu élevé, une augmentation de 10% du prix des cigarettes entraîne une baisse de la consommation d’environ 4%. L’augmentation des prix permet de prévenir l’initiation chez les jeunes, de réduire la consommation et d’encourager l’arrêt du tabac. En 2022, 57% de la population suisse se disait d’ailleurs favorable à une hausse du prix du paquet de cigarettes de 8,40 à 10 francs.
La CFANT souligne que contrairement aux affirmations de l’industrie du tabac, l’augmentation des taxes a peu d’effet sur le marché illicite. Les recherches montrent que ce sont surtout des facteurs non liés au prix – gouvernance, corruption, volonté politique, acceptation sociale – qui déterminent la taille de ce marché parallèle.
Le GREA appelle à une cohérence fiscale entre tous les produits nicotinés
Si le GREA considère qu’il est juste de soumettre l’ensemble des produits du tabac à un impôt fédéral, nous regrettons en revanche que le Parlement n’ait agi que sur les prix des dispositifs de vapotage, sans augmenter les prix des autres dispositifs, principalement des cigarettes traditionnelles et du tabac à chauffer. L’augmentation des prix sur ces produits uniquement pourrait, selon la littérature scientifique, amener les personnes consommatrices de cigarettes électroniques à se tourner vers les cigarettes, ces deux marchés fonctionnant comme des vases communiquant. Pour en savoir plus, le GREA avait élaboré un dossier à l’intention des parlementaires à ce sujet, disponible sur son site internet.
La CFANT estime qu’une réforme de la loi sur l’imposition du tabac offrirait l’occasion de mettre en place un système fiscal simplifié, cohérent et fondé sur les données scientifiques. Ce changement représenterait une avancée majeure pour la santé publique, permettrait de réduire les coûts pour le système de santé à la charge de la collectivité, tout en assurant des recettes fiscales stables d’environ 600 millions de francs par an.