Espaces de consommation sécurisés : un rapport scientifique pour éclairer le débat

Alors que les espaces de consommation sécurisés (ECS) font l’objet de controverses dans l’espace public, particulièrement à Lausanne, le GREA met à disposition du débat public un rapport avec revue de la littérature scientifique qui éclaire les enjeux d’accès à ces structures essentielles de réduction des risques.

Un débat qui exige des données probantes

Depuis la hausse de la consommation de crack dans l’espace public et l’ouverture en mai 2024 de l’antenne de l’ECS à la Riponne, à Lausanne, plusieurs commerçants et riverains du quartier ont exprimé leurs préoccupations concernant la sécurité et l’ordre public aux abords de la structure. Au Conseil communal de Lausanne comme au Grand Conseil vaudois, certains partis préconisent d’en restreindre l’accès aux personnes résidantes dans la région. Partout en Suisse, chaque débat sur les ECS s’accompagne de cette question fondamentale : qui doit pouvoir y avoir accès ?

Ces préoccupations légitimes des commerçants, riverains et décideurs politiques méritent une réponse à la hauteur des enjeux. Dans le contexte du débat autour de l’ECS de la Riponne, le GREA rappelle l’importance de fonder les politiques publiques sur des données scientifiques rigoureuses plutôt que sur des perceptions.

Ce que dit la science

Le rapport publié par le GREA s’appuie sur une revue approfondie de la littérature scientifique nationale et internationale, enrichie par les retours d’expériences de nombreuses et nombreux professionnel·le·s de terrain en Suisse romande. Il démontre sans équivoque que les espaces de consommation sécurisés constituent un investissement public particulièrement rentable et efficace :

Sur le plan socio-économique : Chaque dollar investi dans un ECS génère 7 dollars d’économies en coûts de santé ; l’ECS du Vallon à Lausanne a permis de limiter les surdoses et appels d’urgence, générant des économies massives pour le système hospitalier.

Sur le plan de la sécurité publique : Les ECS divisent par trois le nombre de seringues usagées dans l’espace public et restaurent la propreté des quartiers, sans créer d’effet d’appel d’air contrairement aux craintes souvent exprimées. Toutes les études suisses et internationales démontrent unanimement que cette hypothèse relève essentiellement d’un mythe.

Sur le plan de la santé publique : Les ECS réduisent de 35% la mortalité par surdose et de 90% le risque de partage de matériel d’injection. L’ECS du Vallon a démontré l’absence totale de surdoses graves durant toute la période-test.

Restrictions d’accès : une fausse solution aux conséquences néfastes

Le rapport met en lumière les limites des modèles d’accès restreints fondés sur la domiciliation. L’exemple de Zurich, qui a ouvert depuis le 1er octobre 2025 un ECS pour non-résidents face à l’augmentation de la consommation de crack, révèle l’échec de cette approche. À l’inverse, le modèle d’accès universel développé en Suisse romande, à l’image de celui de Genève, démontre son efficacité opérationnelle tout en respectant les principes constitutionnels suisses.

Le GREA rappelle que l’article 12 de la Constitution fédérale garantit le droit à l’aide en cas de détresse sans distinction de résidence, tandis que l’article 3g de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) oblige les cantons à prendre des mesures de réduction des risques. Restreindre l’accès aux ECS constituerait une violation de ces principes fondamentaux.

Finalement, les ECS participent à limiter les conséquences de l’augmentation des consommations dans l’espace public, mais ne peuvent être considérés comme une solution unique. Ils doivent s’inscrire dans un continuum de réponses : aide au logement, à la survie, accueil d’urgence, développement des thérapies, etc.

Un outil indispensable pour un débat éclairé

Face aux tensions légitimes que peuvent générer les structures de réduction des risques, la tentation peut être grande de proposer des solutions simples mais contreproductives. Notre rapport démontre que restreindre l’accès aux ECS non seulement ne résoudrait pas les problèmes d’ordre public, mais aggraverait la situation sanitaire, sécuritaire et sociale, tout en dégradant les droits humains.

Le document formule des recommandations pratiques pour optimiser le fonctionnement des ECS tout en répondant aux préoccupations des riverains, notamment par un urbanisme inclusif, un renforcement des équipes de médiation et une intégration harmonieuse dans le tissu urbain.