Disparition de Russell Newcombe, pionnier de la réduction des risques

Chercheur, militant et pionnier de la réduction des risques en Grande-Bretagne, Russell Newcombe a consacré sa carrière à étudier les comportements liés à la consommation de drogues et à plaider pour la réduction des risques. C’est d’ailleurs l’une des toutes premières personnes à parler dès 1987 de « harm reduction ». Ses travaux ont influencé et contribué à façonner des approches plus pragmatiques et humanitaires en matière de politique sur les drogues.


Alors que l’épidémie du sida se propageait dans les années 80, les usager·e·s de drogues ont été amené·e·s à s’entraider devant l’absence de réponses politiques et sanitaires à la hauteur du problème. Plusieurs initiatives ont vu le jour à cette époque, notamment aux Pays-Bas et en Angleterre, afin de distribuer des seringues propres.

C'est le cas par exemple à Liverpool en 1986 où les personnes concernées ont commencé à se regrouper en unions pour promouvoir l'échange de seringues et fournir de l'héroïne pharmaceutique — avec le soutien de certain·e·s fonctionnaires — comme moyen de minimiser les risques liés aux drogues de rue dans la communauté.

Un mouvement qui s'est créé petit à petit, « par le bas », à contre-courant de l'utopie du « monde sans drogues », du paternalisme médical et gouvernemental, ainsi que de l'abstinence à tout prix, mais profondément avant-gardiste. Pour décrire la philosophie sous-jacente à ces mesures pragmatiques, Russell Newcombe, psychologue et lui-même usager de drogues, a parlé de « harm reduction ». Le concept était né. Il sera rapidement adopté par le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher. En conséquence, la Grande-Bretagne n'a jamais connu les infections généralisées par le VIH parmi les usager·e·s de drogues, comme cela a été le cas aux États-Unis, alors en pleine « guerre contre la drogue », tel que le relate le New York Times.

Dans un article intitulé High Time for Harm Reduction (« L'heure est à la réduction des risques »), Russell Newcombe pose un certain nombre de principes à ce sujet. Morceau choisi : « La nécessité d'une stratégie de réduction des risques découle de la prise de conscience croissante qu'à moins que la société ne modifie ses lois et ses politiques répressives à l'égard des consommateurs de drogues, la plupart resteront « clandestins », hors de portée des services qui s'occupent de la consommation problématique de drogues. Une stratégie de réduction des risques serait basée sur une approche bienveillante et sans jugement, encourageant davantage d’adolescents expérimentant des drogues à discuter de leurs expériences avec des adultes concernés ». Des propos et une vision plus que jamais d'actualité, en témoigne la reconnaissance de la réduction des risques comme instrument de politique publique dans de nombreux pays, et y compris au sein des institutions internationales.

Le GREA salue son engagement et ses travaux qui ont laissé une empreinte durable, aussi bien dans le champ académique que dans le champ professionnel, et qui continueront à être une source d'inspiration pour nombre d'usager·e·s et de professionnel·le·s des addictions.