Le revirement dans la politique de dépénalisation des drogues de l’Oregon fait couler beaucoup d’encre et alimente les débats houleux entre partisans de la dépénalisation de drogues et tenants de l’approche prohibitionniste, sans compter les multiples récupérations à des fins politiques.
En effet, bien que l'Oregon ait opté pour la dépénalisation en 2021, la gouverneure de cet État du Nord-Ouest des États-Unis vient de promulguer une loi y mettant fin et réintroduisant des sanctions pénales pour la possession de certaines drogues, telles que le fentanyl, l'héroïne, la cocaïne, et la méthamphétamine, comme le signale l'ONG Drug Policy Alliance, en soulignant qu'il y a de forts risques à ce que cette loi cible à nouveau de manière disproportionnée les minorités ethniques, et entraine une augmentation des surdoses. La nouvelle loi entrera en vigueur en septembre 2024.
Sans surprise, l’« échec de la dépénalisation » a été rapidement proclamé haut et fort par l’ensemble des détracteurs et déctractrices de ce type d’approche, néanmoins la réalité est plus subtile et complexe. En effet, bien qu'il n'y ait pas de liens de cause à effet, la promulgation de la loi de 2021 visant à dépénaliser les drogues a coïncidé avec la crise des opioïdes et la vague de surdoses mortelles dans le pays, ce qui a eu un impact négatif sur l'opinion publique. Toutefois, selon les spécialistes, c'est surtout le manque de politiques sociales occasionant une hausse record du nombre de sans-abris et l'apparition de scènes ouvertes qui ont également suscité ce revirement législatif.
C'est le constat que fait par exemple Julie Hannah, professeure de droit à l'Université d'Essex au Royaume-Uni, citée dans un article de la Folha de São Paulo : « l'échec n'était pas la dépénalisation en soi, mais l'absence de politiques sociales plus larges », dit-elle. « Si nous nous concentrons uniquement sur la dépénalisation et ignorons les réformes sociales plus larges, telles que le logement, la santé et la sécurité, d'autres problèmes surgiront ». Cet avis est partagé par Ian Hamilton, chercheur à l'Université de York, au Royaume-Uni, cité par le même journal : « le problème réside dans le fait que la dépénalisation doit s'accompagner de politiques sociales et de santé pour les utilisateurs, mais de nombreux pays réduisent leur budget tout en changeant la loi sur les drogues (...) ce n'est pas une bonne recette ».
En définitive, l'arbre ne doit pas cacher la forêt : même si cette recriminalisation des drogues en Oregon constitue un pas en arrière dans ce contexte spécifique, en particulier pour les usager·e·s de drogues, elle ne doit pas masquer les avancées et résultats significatifs au niveau global ces quinze dernières années. En effet, même les Nations unies préconisent la dépénalisation des consommateurs et consommatrices, ainsi que la réduction des risques, comme c'est le cas du Haut-Commissariat aux droits de l'homme dans un rapport en 2023, et plus récemment – virage historique – par la Commission des stupéfiants, comme l'a salué le GREA, ainsi que la Confédération suisse.