Crise et division au sommet de l’ONU sur la drogue : une coalition sans précédent remet en question la « guerre contre la drogue »

La Commission des stupéfiants des Nations Unies (CND : Commission on Narcotic Drugs) se réunit dans une session extraordinaire du 14 au 15 mars 2024 à Vienne pour évaluer la mise en œuvre de la Déclaration ministérielle de 2019 sur les drogues à mi-parcours et afin de fixer le cap pour les cinq prochaines années. Une coalition progressiste de 60 pays menée par la Colombie a porté une voix forte, mais la déclaration adoptée par consensus reste faible.


C’est la première fois depuis 2019 qu’un sommet mondial est organisé autour de cette thématique. Les dirigeants mondiaux se réunissent au siège de l’ONU à Vienne pour le débat de segment de haut niveau (high-level segment) de deux jours de la Commission des stupéfiants des Nations unies (CND), principal organe international de la politique en matière de drogues. D’importantes personnalités ont confirmé leur participation, telles que le Secrétaire d'État américain Anthony Blinken, la Commissaire européenne aux affaires intérieures Ylva Johansson ou le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme Volker Türk.

Une coalition de 60 pays menée notamment par la Colombie a proposé en ouverture de session une déclaration forte pour mettre fin au système international de contrôle des drogues, qui n'a pas changé depuis l'avènement de la guerre à la drogue. Cette coalition a réuni des pays ayant adopté dans le passé des approches prohibitives très fortes entraînant des conséquences humaines dévastatrices et aucun impact sur le recul du marché illicite de la drogue. Face à ces échecs, ces États changent d'attitude et promeuvent une politique progressiste, dénonçant les conséquences catastrophiques des politiques drogues punitives. L’IDPC souligne d’ailleurs que plus de 60 juridictions dans 40 pays ont supprimé les sanctions pénales pour l'usage et la possession de drogues, tandis que six pays européens et africains sont en train de rejoindre la plupart des États d'Amérique du Nord, l'Uruguay et d'autres pays dans la régulation du cannabis.

Deux déclarations remarquables ont été prononcées : celle du Président Gustavo Petro pour la Colombie, qui a remis en cause le système international anachronique (en anglais), mais également celle de Volker Türk, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme qui a appelé à un changement fondamental des politiques drogues globales (en anglais).

L’objectif de cette rencontre est de faire le bilan de la Déclaration ministérielle de 2019 sur les drogues et de fixer la ligne directrice en la matière pour les cinq prochaines années. Le 14 mars, seule une déclaration peu ambitieuse a été adoptée (version provisoire disponible en ligne, en anglais). En effet, sur la base des trois mois de négociations précédant le débat, aucune avancée sensible n'a receuilli de consensus. Il s'agit d'un document politiquement faible qui se contente principalement de réaffirmer les engagements de la décennie précédente - principalement en raison de la tradition dépassée d'adopter tous les documents politiques de l'ONU sur les drogues par consensus.

Alors que la crise mondiale de la drogue fait chaque année plus d’un demi-million de victimes et engendre de graves violations des droits humains, des visions opposées risquent de s’affronter. Certains pays persistent à adopter une approche punitive orientée sur une "guerre à la drogue", malgré les nombreuses études et évaluations qui constatent année après année son échec. L’IDPC déplore notamment les exécutions extrajudiciaires, les actes de torture, ou encore les détentions arbitraires relevant de cette approche.

Parallèlement à la CND se tiendront de nombreuses discussions et conférences (side events) réunissant de nombreuses organisations spécialisées du monde entier, dont le GREA. Les discussions vont continuer la semaine prochaine, avec le segment ordinaire de la CND, qui sera consacré à l'adoption de propositions de résolutions.

Pour plus d’informations, le blog CND blog et le site internet cndapp ou sa variante sur application mobile permettent de suivre en temps réel l’avancée des discussions de la CND, d’être informé concernant les évènements importants, les résolutions et les intervenants ou encore d’effectuer des recherches parmi les résolutions de la Commission.