Criminalité organisée et violence en Suède : des pistes pour mieux comprendre la situation

Taux d’homicide élevé, violence, trafics de drogues, criminalité organisée, règlements de compte entre bandes rivales : voilà autant de phénomènes que l’on n’associerait pas spontanément à la Suède, pourtant c’est une réalité depuis plusieurs années, comme le décryptent des spécialistes, aussi bien du monde académique que professionnel et associatif. Le modèle de prohibition très répressif du pays est directement remis en cause.

Dans un article qui vient de paraitre dans le numéro 38 de la revue Sécurité globale(link is external), Alain Delpirou, spécialiste en matière de géopolitique des drogues, brosse un tableau assez sombre de la Suède : taux d’homicide par arme à feu le plus élevé de l’Union européenne, violence des bandes criminelles, ou encore essor du trafic de cocaïne, soit autant d’éléments qui ternissent l’image du pays paisible où il fait bon vivre.

« À quoi cette situation se doit-elle ? » se demandent les spécialistes. Pour Delpirou, cela s’explique en partie par le boom du trafic de stupéfiants, en particulier la cocaïne, et du renforcement du pouvoir des organisations criminelles grâce aux gains énormes issus de ces activités. L’auteur signale également que le pays nordique se trouve sur les routes du trafic international en partance d’Amérique du Sud. Il met aussi en exergue l’inadaptation des outils juridiques suédois qui ne sont plus en adéquation avec la réalité du terrain. En effet, le durcissement des sanctions pénales à partir de la fin des années 1990 n’a pas eu les effets escomptés, en particulier sur les différents gangs qui contrôlent le marché. La criminalisation de l’usage de drogues a plutôt conduit à une marginalisation accrue des personnes concernées.

Ces constats sont en partie partagés par le journaliste Johan Wicklén, auteur d’un livre intitulé « Nous n’abandonnerons jamais – Comment la Suède a perdu la guerre contre la drogue » (Vi ger oss aldrig – Så gick Sverige i krig mot drogerna och förlorade). Dans cet ouvrage, il se livre à une critique approfondie de la politique suédoise en matière de drogues, en montrant également que la politique répressive a surtout exacerbé les problèmes plus que les résoudre, avec des conséquences sociosanitaires désastreuses pour les usager·e·s. Le journaliste plaide dès lors pour une réforme des politiques en matière de drogues avec des approches privilégiant la réduction des risques et la santé publique. Ces discussions sont d’ailleurs désormais à l’ordre du jour, et il me faut pas perdre de vue que dans le contexte global de transformation des politiques sur les drogues, le « laboratoire suédois » a aussi sa place, comme l’a souligné Johan Wicklén lors d’un side event de la CND(link is external) en mars passé.