Brésil : la guerre à la cocaïne détruit la forêt amazonienne

Un rapport inédit révèle que la prohibition de la coca aggrave la déforestation en Amazonie. Vingt ans de données démontrent l’échec des politiques répressives.

Une étude publiée en novembre 2025 par l’initiative Reform, Restore, Recover établit un diagnostic inédit sur les impacts environnementaux de la prohibition de la coca et de la cocaïne dans le bassin amazonien. Intitulé « From Forest to Dust: Drug Prohibition as a Driver of the Climate Crisis » (De la forêt à la poussière : la prohibition des drogues comme moteur de la crise climatique), le rapport identifie la politique antidrogue comme un facteur majeur de déforestation massive au Brésil.

La prohibition, moteur de destruction forestière

L’analyse de deux décennies de données révèle que les opérations d’éradication forcée des cultures de coca génèrent un « effet ballon » dévastateur. Lorsque les autorités détruisent des plantations, les producteur·trice·s défrichent de nouvelles zones forestières pour compenser leurs pertes. Ce cycle perpétuel transforme la guerre à la drogue en principal facteur de déforestation dans certaines régions amazoniennes. Le rapport documente également l’impact environnemental de la production clandestine elle-même. L’illégalité pousse les activités vers des zones forestières reculées, à l’abri des contrôles. Sans régulation, les pratiques de production génèrent pollution chimique, destruction d’écosystèmes et dégradation des sols, amplifiées par l’absence totale de normes environnementales.

Des communautés prises au piège

L’étude révèle les dimensions socioéconomiques de cette crise. Les populations amazoniennes, confrontées à la marginalisation économique et au manque d’alternatives viables, se tournent vers la culture de coca comme stratégie de survie. Les opérations militarisées détruisent leurs moyens de subsistance sans proposer de solutions durables. Le rapport souligne que ces communautés subissent une triple peine : la précarité économique, la répression violente des opérations antidrogue, et la dégradation de leur environnement. Cette situation perpétue les inégalités structurelles et aggrave la vulnérabilité des populations les plus marginalisées du bassin amazonien.

Un enjeu climatique global

Les auteur·rice·s démontrent que la déforestation induite par la prohibition contribue massivement aux émissions de gaz à effet de serre. La destruction de la forêt amazonienne, poumon de la planète, a des répercussions climatiques mondiales. Le rapport chiffre ces impacts et les compare aux bénéfices hypothétiques d’une régulation légale de la production. L’étude souligne l’urgence d’intégrer la réforme des politiques en matière de drogues dans les stratégies d’atténuation et d’adaptation climatiques. Sans changement de paradigme, les objectifs internationaux de préservation forestière et de limitation du réchauffement climatique resteront hors d’atteinte dans les régions concernées.

Vers la réduction des risques écologiques

Le rapport introduit le concept de « réduction des risques écologiques » appliqué aux politiques en matière de drogues. Cette approche propose d’évaluer et de minimiser les dommages environnementaux causés par la prohibition, au même titre que les politiques de réduction des risques sanitaires évaluent les dommages pour les personnes consommatrices. Les chercheur·euse·s plaident pour l’abandon des stratégies d’éradication forcée au profit de politiques de développement territorial et de justice environnementale. La régulation légale de la chaîne de production permettrait d’imposer des normes environnementales, de protéger les écosystèmes et d’offrir des perspectives économiques légitimes aux communautés.

Implications pour les politiques internationales

Ces constats amazoniens résonnent fortement avec les débats internationaux sur la régulation des substances. Le rapport démontre que les politiques prohibitionnistes ne génèrent pas seulement des dommages sanitaires et sociaux, mais constituent également une menace majeure pour les équilibres écologiques planétaires. Pour les professionnel·le·s romand·e·s des addictions, cette étude renforce les arguments en faveur d’une approche globale intégrant santé publique, droits humains et protection environnementale. Elle rappelle que les choix suisses en matière de régulation s’inscrivent dans un contexte mondial où les politiques répressives menées ailleurs ont des conséquences catastrophiques sur des écosystèmes dont dépend l’humanité entière.