En tête des préoccupations de l’article de Babor et ses collègues (2025) : la censure imposée par le gouvernement Trump, qui interdit l’usage de certains termes liés au genre dans les publications scientifiques. Cette intervention directe menace la rigueur des études cliniques et épidémiologiques, notamment celles qui portent sur les populations vulnérables, souvent les plus exposées aux situations d’addiction.
Mais au-delà de la censure, c’est tout l’écosystème de la recherche en addictions qui vacille : gel des financements, licenciements massifs dans les agences de santé, arrêt brutal de certains essais cliniques, notamment dans le traitement du VIH, et volonté de déléguer les budgets nationaux aux États, avec le risque d’un désengagement massif dans les recherches sur l’alcool, le tabac ou les drogues illégales. Des bases de données essentielles sur les comportements à risque des jeunes ont même été retirées du domaine public, privant les scientifiques d’outils cruciaux pour comprendre et prévenir les conduites addictives.
Ces attaques menacent l’ensemble de l’écosystème de la recherche en addictologie, mais elles touchent surtout les populations les plus marginalisées, qui sont aussi les plus à risque face aux addictions. En réduisant les moyens alloués aux études sur les minorités sexuelles, les jeunes en situation de précarité ou les usagers de drogues, on renforce leur invisibilité et on aggrave leur vulnérabilité. Le manque de données fiables conduit inévitablement à des politiques sociosanitaires moins efficaces, moins inclusives, et souvent plus injustes.
Dans ce contexte, une coordination renforcée entre les différents acteurs du champ scientifique paraît nécessaire. Défendre l’intégrité des méthodes, la qualité des données et la transparence des résultats n’est pas seulement une exigence académique : c’est une condition essentielle pour garantir des politiques sociosanitaires fondées sur des faits, adaptées à la complexité des addictions, et capables de répondre aux besoins réels des populations.
Par ailleurs, l’initiative « Stand Up for Science » illustre un mouvement de résistance qui se mobilise pour défendre la recherche face à des coupes budgétaires et des pressions institutionnelles. En réunissant scientifiques et citoyens, ce collectif international et très actif en France rappelle l’urgence de repenser le financement et l’organisation de la recherche, un enjeu particulièrement crucial dans le domaine des addictions. Ce mouvement témoigne ainsi d’une dynamique plus large de soutien à la liberté académique et à l’intégrité scientifique.
À terme, c’est la capacité des sociétés à comprendre et à traiter les phénomènes addictifs dans toute leur diversité qui est en jeu. La fragilisation de ce savoir aurait des répercussions bien au-delà du monde scientifique, mais également sur les personnes concernées, les professionnel·le·s du domaine sociosanitaire, sur la santé publique, les droits humains et la société dans son ensemble.