
L’année 2025 s’achève et le bilan n’est pas franchement glorieux pour le champ des addictions. Au Conseil national, la motion Würth a ouvert la voie à une remise en question politique des études scientifiques sur la consommation d’alcool, comme si les données épidémiologiques pouvaient être contestées au gré des intérêts économiques. Dans le cadre des débats sur le budget de la Confédération, ce sont ainsi 10 millions d’aide d’urgence à la viticulture qui ont été octroyés par les parlementaires, alors que des coupes massives ont été décidées dans les budgets dédiés à la prévention des addictions et des MNT. À l’heure où les besoins augmentent, où les cantons et les villes font face aux défis de la précarisation et de la complexification des situations des personnes consommatrices de drogues, les moyens pour faire face sont sacrifiés sur l’autel de l’austérité.
À Lausanne, l’accès aux espaces de consommation sécurisés a été restreint aux seul·e·s résident·e·s vaudois·es, transformant un outil de santé publique en instrument de contrôle territorial et abandonnant des personnes vulnérables à la rue. Le signal est inquiétant pour le modèle romand de l’accessibilité universelle aux prestations d’aide à la survie et l’extrême-droite propose déjà d’étendre le modèle aux autres services tels que les hébergements d’urgence, les soupes populaires, etc.
Face à ce tableau morose, on pourrait céder au découragement. Et pourtant, 2026 annonce tout de même quelques raisons de se réjouir : le progrès est encore au rendez-vous !
Le Parlement fédéral va enfin débattre de la régulation du cannabis. Après des années de tergiversations, de projets pilotes et de blocages idéologiques, la question arrive sur la table des décideuses et décideurs politiques. C’est l’occasion de sortir du statu quo d’une prohibition qui enrichit le marché illégal, qui expose les consommatrices et consommateurs à des produits non contrôlés et qui pénalise injustement des milliers de personnes chaque année. Les modèles existent, les expériences à l’étranger sont documentées : il ne manque que le courage politique de franchir le pas. Alors que la consultation vient de prendre fin, les organisations professionnelles et spécialisées dans les drogues saluent dans un large consensus un projet de régulation novateur et bien pensé. Le GREA poursuivra son engagement sur ce dossier et travaillera notamment auprès des partis politiques et des parlementaires.
À l’automne 2026, le rapport d’évaluation de la Loi sur les jeux d’argent sera publié par le Conseil fédéral. Ce rapport est très attendu par les professionnel·le·s qui, sur le terrain, constatent quotidiennement les dégâts provoqués par l’accessibilité accrue des jeux en ligne. Depuis l’ouverture du marché des casinos en ligne en 2019 et de le développement des paris sportifs, les structures d’aide ont vu affluer des personnes lourdement endettées, isolées et toujours plus jeunes. Ce rapport doit documenter ces réalités et ouvrir la voie à un renforcement des mesures de protection. Les données existent, les constats sont clairs : il faudra que les autorités en tirent les conséquences.
Ces perspectives sont encourageantes, mais elles ne se concrétiseront que si nous restons mobilisé·e·s. Car ce qui fait la différence, ce ne sont pas que les bonnes intentions politiques ni les rapports qui dorment dans les tiroirs. Ce qui compte, c’est l’engagement des professionnel·le·s des addictions, leur expertise, leur capacité à documenter les enjeux, à proposer des solutions et à maintenir la pression sur les décideuses et décideurs.
Quand les budgets de prévention sont menacés, ce sont les associations qui sonnent l’alarme. Quand les politiques remettent en question les études scientifiques, ce sont les expert·e·s qui rétablissent les faits. Quand les personnes précaires sont abandonnées dans la rue, ce sont les professionnel·le·s qui se mobilisent, alertent l’opinion publique et continuent à offrir des soins, un accueil, une présence.
Alors oui, réjouissons-nous des avancées de 2026. Mais surtout, restons vigilant·e·s, exigeant·e·s et mobilisé·e·s. Les solutions existent : ce qui fait la différence, c’est notre capacité collective à les porter et à les défendre.
Camille Robert
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