La Commission européenne a dévoilé le 4 décembre sa nouvelle stratégie antidrogue pour 2025-2030. Dans une analyse publiée le 7 décembre, le Consortium international sur les politiques des drogues (IDPC) tire la sonnette d’alarme : le document marque un retour aux approches répressives, au détriment des avancées en santé publique de la stratégie précédente.
Le retour du discours sécuritaire
Le ton alarmiste domine : le terme « menace » apparaît 35 fois, l’accent étant mis sur le crime organisé et le trafic de drogues. Plus problématique encore, la Commission accompagne la stratégie d’un plan d’action exclusivement centré sur la lutte contre le trafic, rompant avec la tradition européenne de plans d’action couvrant l’ensemble des aspects de la politique des drogues. Cette approche déséquilibrée fait craindre une concentration des ressources sur les mesures répressives.
Comme le rappelle l’IDPC, cette orientation risque de renforcer les politiques punitives déjà observées dans certains États membres, avec des conséquences dévastatrices pour les populations concernées. Un paradoxe d’autant plus flagrant que la Commission a elle-même financé des recherches démontrant l’inefficacité de ces approches : une étude sur les opérations contre le trafic de cocaïne en Belgique et aux Pays-Bas a révélé qu’elles avaient directement entraîné une augmentation du trafic et de la violence dans d’autres régions européennes.
La réduction des risques déconnectée de la santé
Si la stratégie mentionne les interventions essentielles – espaces de consommations sécurisés, distribution de naloxone, programmes d’échange de seringues – elle opère un changement conceptuel majeur. La réduction des risques est retirée du pilier « Santé » pour être placée dans un nouveau pilier « Préjudices », aux côtés de thématiques aussi disparates que la conduite sous l’emprise de stupéfiants ou les dommages environnementaux.
Ce repositionnement constitue une régression par rapport à la stratégie 2021-2025, qui avait créé un pilier spécifique « Réduire les préjudices liés aux drogues ». En déconnectant la réduction des risques de la santé publique, la Commission risque de marginaliser cette approche, alors qu’elle est désormais reconnue comme une composante essentielle du droit à la santé par les instances onusiennes.
L’effacement progressif des droits humains
La nouvelle stratégie affaiblit considérablement la dimension droits humains. Elle ne fait plus référence aux Principes directeurs internationaux sur les droits humains et les politiques des drogues, ni à la Position commune du système des Nations Unies. Plus inquiétant : le pilier « Sécurité » ne mentionne pas une seule fois les droits humains, malgré les preuves documentées des impacts dévastateurs des stratégies répressives en Europe et dans le monde.
Cette orientation se reflète dans les priorités internationales, désormais quasi-exclusivement centrées sur la lutte contre le trafic, au détriment de l’approche équilibrée centrée sur les droits humains et la santé publique de la stratégie précédente.
Cinq recommandations pour les États membres
L’IDPC appelle les 27 États membres à revoir substantiellement le texte avant son adoption. Le consortium recommande de renforcer la dimension droits humains en réincorporant les références aux instruments internationaux, d’ouvrir la porte à des approches innovantes alternatives aux politiques punitives, de réintégrer la réduction des risques dans le pilier « Santé », d’assurer des engagements concrets des États membres en matière de santé et de financement de la société civile, et de rejeter le plan d’action proposé pour en adopter un nouveau couvrant l’ensemble de la politique des drogues.
Le document sera discuté dans les prochains mois avec les États membres avant adoption finale. La mobilisation de la société civile sera déterminante pour préserver les avancées réalisées en matière de politiques des drogues centrées sur la santé et les droits humains.