L’OMS vient de rejeter la déclassification de la feuille de coca, ignorant les recommandations de son propre comité scientifique. Cette décision maintient la criminalisation d’une pratique culturelle millénaire et révèle les contradictions profondes du système international de contrôle des drogues.
Une décision contre l’avis scientifique
Le 2 décembre 2025, la Commission des stupéfiants de l’ONU (CND) a maintenu la feuille de coca au Tableau I de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 (la catégorie la plus restrictive), suivant la recommandation de l’OMS. La position de cette dernière va à l’encontre de la recommandation de son propre Comité d’experts de la pharmacodépendance (ECDD) lors de sa 47e réunion. Ce comité scientifique préconisait la suppression de cette classification, reconnaissant les usages traditionnels légitimes et l’absence de preuves de dépendance significative
Les États andins – Bolivie, Pérou et Colombie – avaient demandé cette révision pour une plante utilisée depuis des millénaires dans leurs cultures. L’OMS justifie son refus par le risque de détournement vers la production de cocaïne. Selon l’International Drug Policy Consortium (IDPC), cette argumentation relève du contrôle de l’offre plutôt que de la santé publique.
Les incohérences du système de classification
La décision de l’OMS met en lumière les contradictions du système international de classification des drogues. La feuille de coca naturelle contient des concentrations minimes de cocaïne. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), cité par le Transnational Institute, il faut une tonne métrique de feuilles de coca fraîches pour produire à peine 1,45 kilo de cocaïne, après un processus chimique complexe. Les effets de la feuille et de la cocaïne raffinée sont incomparables.
Cette incohérence devient flagrante lorsqu’on compare avec d’autres substances bien plus problématiques qui ne figurent pas dans cette catégorie. Les organisations de la société civile soulignent que la décision repose sur des considérations politiques plutôt que sur des preuves scientifiques, sapant la crédibilité du système de classification de l’OMS.
Un usage ancestral criminalisé
La feuille de coca est utilisée depuis des millénaires dans les Andes, que ce soit sous forme de mastication ou d’infusions. Cette pratique fait partie intégrante de l’identité culturelle de millions de personnes en Bolivie, au Pérou et en Colombie.
En maintenant l’interdiction, l’OMS perpétue la stigmatisation de ces pratiques traditionnelles et porte atteinte aux droits des peuples autochtones. La Bolivie avait d’ailleurs dénoncé en 2011 l’article de la Convention de 1961 interdisant la mastication, avant de réadhérer en 2013 avec une réserve protégeant cet usage traditionnel.
Près de 200 organisations, dont le GREA, ont signé une déclaration critiquant cette décision. Elles dénoncent une position « politique » déguisée en expertise « technique ».