Europe : les réseaux de trafic stockent la cocaïne sous terre

Face à l’effondrement des prix de gros, les réseaux préfèrent enterrer la cocaïne. Cette pratique révèle une surproduction massive liée à la culture de coca et un échec de la politique actuelle selon le Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP).

En décembre 2024, les autorités espagnoles ont découvert sept tonnes de cocaïne enterrées dans des caches souterraines près de Séville, illustrant une pratique nouvelle : face à la chute des prix de gros (divisés par deux en un an dans certaines régions), certains réseaux stockent la marchandise plutôt que de la vendre à perte. « Il y a d’énormes stocks enterrés dans des bunkers souterrains. Tout le monde se demande ce qui s’est passé », explique Robert Fay, responsable de l’unité drogues à Europol, cité par l’OCCRP. Entre 2018 et 2023, les surfaces cultivées en Colombie ont augmenté de près de deux tiers pour atteindre 253’000 hectares, selon l’ONUDC.

Réseaux fragmentés et nouvelles routes

Le renforcement des contrôles dans les grands ports après le piratage des plateformes cryptées Sky ECC et Encrochat a forcé les réseaux à diversifier leurs routes et à se fractionner en plus petites entités. L’Afrique de l’Ouest est devenue un hub majeur : environ un tiers de la cocaïne européenne y transite désormais, une proportion qui pourrait atteindre 50% d’ici 2030. Des organisations albanaises et des Balkans achètent directement en Amérique du Sud, tandis que le syndicat brésilien PCC fonctionne comme une plateforme logistique entre producteur·trice·s et trafiquant·e·s.

En Europe, les livraisons se font par des ports secondaires, des semi-submersibles et les anciennes routes de contrebande de haschich. Le « camouflage chimique », qui modifie la cocaïne au niveau moléculaire, complique également la détection. Selon Europol, environ 20% de la cocaïne colombienne utiliserait cette méthode.

Prix effondrés mais stables pour les consommateur·trice·s

Malgré des saisies record (419 tonnes en 2023), la disponibilité augmente. Le prix de gros a chuté de 30’000 à 15’000 euros le kilogramme aux Pays-Bas. Cette baisse ne profite pas aux personnes consommatrices : les prix de détail restent stables tandis que la pureté augmente légèrement, accroissant les risques sanitaires.

Limites des politiques répressives

L’« effet ballon » décrit par les autorités – lorsqu’on appuie sur un endroit, le problème ressurgit ailleurs – caractérise les limites des approches basées uniquement sur l’interdiction. La fragmentation des réseaux, combinée aux innovations technologiques, démontre leur capacité d’adaptation face à la répression.

Pour les professionnel·le·s romand·e·s du domaine des addictions, cette évolution rappelle l’importance des approches de réduction des risques, particulièrement dans un contexte où la composition des substances varie rapidement. La politique suisse des quatre piliers offre un cadre plus adapté que les approches purement répressives pour répondre à l’évolution des marchés de drogues, mais doit encore travailler la régulation des stimulants, un problème actuel important.