Addictions et handicap mental : un dialogue interdisciplinaire

28.11.2025

Une conférence organisée par la HETSL a réuni professionnel·le·s et personnes concernées pour aborder les problématiques d’addictions chez les personnes en situation de handicap mental.

Un projet pionnier pour deux domaines qui se croisent peu

Le 6 novembre dernier, la Haute école de travail social et de la santé (HETSL) organisait en collaboration avec Insieme Vaud et le réseau Neurodev une conférence questionnant les liens entre addictions et handicap mental. Cette rencontre a permis de mettre en lumière un projet pilote développé par le GREA : le projet Handicaps et Addictions.

Ce projet a exploré les interactions entre les domaines des addictions et du handicap, révélant les risques de consommations problématiques dans les situations de déficiences intellectuelles légères. Il a donné naissance à un site Internet dédié, une plateforme du GREA réunissant les acteur·trice·s des deux domaines, ainsi qu’une charte pour les institutions. Des outils spécifiques adaptés aux déficiences intellectuelles légères ont également été développés : le SumID-Q pour faciliter le repérage des conduites addictives et le MDA (Moins de Drogues et d’Alcool) pour le suivi des consommations.

Des réalités contrastées selon les situations

Les témoignages des professionnel·le·s ont mis en évidence que les problématiques diffèrent selon le type et la sévérité du handicap. Dans les situations de handicap sévère, les éducateur·trice·s observent principalement des pratiques compulsives plutôt que de véritables addictions, notamment liées à la nourriture ou aux écrans.

Pour les personnes avec des capacités cognitives plus élevées, les enjeux se complexifient. L’envie de participation sociale et d’acceptation par le groupe peut conduire à des comportements de consommation et des conduites à risques. Dans les appartements supervisés, où la présence éducative est moins marquée, les situations à risques sont plus fréquentes.

La question de la médication au cœur des débats

Un enjeu majeur soulevé lors de la table ronde concerne les dépendances liées aux médications. Les professionnel·le·s constatent des difficultés accrues pour accompagner les bénéficiaires dans la réduction de doses de benzodiazépines et autres produits morphiniques. Un professionnel a illustré cette problématique en évoquant des situations où des résident·e·s reçoivent des doses importantes de valium dès le petit déjeuner avant d’être attendu·e·s aux ateliers de travail.

Le médecin psychiatre présent a souligné que les professionnel·le·s de la santé mentale interviennent souvent tardivement, dans des situations de crise aiguë, alors que la souffrance est déjà installée. L’hôpital psychiatrique est devenu un lieu de gestion de crise où les personnes entrent et sortent rapidement, faute de moyens pour des traitements de fond.

Des outils à développer et des formations à renforcer

Les participant·e·s ont relevé un manque de connaissances au sein des équipes socio-éducatives concernant les problématiques d’addictions. La formation à la HETSL révèle que les domaines du handicap et des addictions sont enseignés séparément, avec peu de possibilités de croisement entre les deux champs.

Le GREA continue de proposer des formations aux outils adaptés comme le SumID-Q et le MDA. Ces outils, développés aux Pays-Bas et adaptés au contexte suisse en partenariat avec des institutions genevoises pilotes (fondation Aigues-Vertes, Argos et l’UDMPR des HUG), sont de plus en plus utilisés dans les institutions.

Perspectives : vers un renforcement des collaborations

Les discussions ont également abordé des approches prometteuses comme la pair-aidance, le rétablissement et les initiatives associatives telles que le Recovery College ou Pair Addicto. Ces approches valorisent l’implication des personnes concernées dans l’accompagnement.

Pour poursuivre ces échanges et renforcer les liens entre les deux domaines, une journée romande est prévue au printemps 2026. Cette rencontre permettra de continuer à développer des outils et des pratiques adaptées à cette population qui se situe à l’intersection de deux champs encore trop cloisonnés.