Les conditions d’accès aux espaces de consommation sécurisés ont fait l’objet de débats approfondis lors de la dernière assemblée générale du GREA. Dans un contexte où plusieurs propositions politiques semblent remettre en question les modèles d’accès universels existants, notamment à Lausanne, le secrétariat de l’association a élaboré ce papier de position avec son comité après avoir échangé avec de nombreux·ses professionnel·le·s en Suisse romande, notamment des professionnel·le·s des ECS. Ces consultations ont permis de nourrir une réflexion collective sur les enjeux d’accessibilité et d’efficacité des dispositifs de réduction des risques ainsi que de rappeler des arguments fondamentaux.
Spécificités suisses et leçons du terrain
L’analyse révèle les tensions du modèle suisse : malgré le réseau alémanique développé dès 1980, certains cantons présentent une offre lacunaire et font face à des scènes ouvertes sans structures adaptées. L’exemple récent de Zurich illustre ces limites: confrontée à une augmentation de la consommation de crack, la ville ouvrira dès le 1er octobre 2025 un ECS pour non-résidents, révélant les limites d’un système d’accès fondé sur la domiciliation.
Face à ces défis, la Suisse romande a construit son approche, certes plus tardivement, sur l’universalité de l’accès, à l’image du modèle genevois, premier ECS de la région . Ce modèle d’accès universel, développé dans un contexte urbain aux défis transfrontaliers multiples, reflète les valeurs particulières de la région tout en démontrant son efficacité opérationnelle.
Des éclairages scientifiques probants sur les ECS
Une revue de la littérature nationale et internationale démontre sans équivoque la plus-value des ECS sur tous les fronts :
Arguments socio-économiques : Les ECS constituent un investissement public particulièrement rentable. Chaque dollar investi génère 7 dollars d’économies en coûts de santé, chaque surdose prise en charge évite 1600 dollars de frais médicaux et réduit de 82,7% les arrestations pour possession. En Suisse, l’étude de l’ECS du Vallon confirme que le soin porté par les professionnel·le·s à la gestion des états limites a permis de limiter les surdoses et les appels d’urgence, générant des économies massives pour le système hospitalier.
Arguments en termes de sécurité et de paix publiques : Les ECS restaurent la propreté et l’attractivité des espaces publics en divisant par 3 le nombre de seringues usagées dans l’espace public, sans créer d’effet d’appel d’air contrairement aux craintes exprimées. Les études suisses le confirment : l’ECS du Vallon n’a observé aucun déplacement du deal ni attroupements d’usager·ères dans le quartier, tandis que le Service d’addictologie des HUG indique qu’il n’y a eu aucune augmentation du trafic de stupéfiants autour du Quai 9. Pour garantir cette efficacité, ils doivent s’inscrire dans un urbanisme inclusif préservant la dignité des usagères et usagers.
Arguments de santé publique : Les ECS réduisent de 35% la mortalité par surdose et de 90% le risque de partage de matériel d’injection tout en facilitant l’accès aux soins. L’expertise suisse confirme que les ECS « récupèrent les seringues usagées » et réduisent « l’impact des problèmes de drogue sur l’espace domiciliaire ». L’évaluation de l’ECS du Vallon a démontré « l’absence d’overdoses graves » durant toute la période-test, illustrant l’impact direct de la supervision médicale.
Arguments d’équité et de justice sociale : Les ECS atteignent les populations les plus vulnérables qui en retirent le plus grand bénéfice. En Suisse, les femmes représentent près de 25% des usagers avec des violences spécifiques et des comorbidités particulières, tandis que l’Observatoire suisse de la santé révèle que 27% des migrants de première génération renoncent à se faire soigner, rendant l’accès universel aux ECS d’autant plus crucial.
Arguments juridiques et tendances internationales
Le document s’appuie sur les principes constitutionnels suisses : l’article 12 garantit le droit à l’aide en cas de détresse sans distinction de résidence, l’article 8 interdit explicitement toute discrimination du fait de l’origine, et l’article 3g de la LStup oblige les cantons à prendre des mesures de réduction des risques. Les recommandations récentes de la CDCA (2024) affirment explicitement que « l’accès ne [doit pas être] limité en fonction de l’origine cantonale », tandis que la Stratégie nationale Addictions 2025-2028 confirme que les ECS font partie intégrante de l’offre de base ayant fait ses preuves depuis les années 1980.
Recommandations pratiques
Le GREA préconise :
Ce papier constitue un outil essentiel pour défendre des dispositifs efficaces et respectueux des droits fondamentaux.