Exclusion de jeu : pourquoi les loteries ne respectent-elles pas la loi ?

24.09.2025

Le Tribunal fédéral a condamné le casino de Baden pour non-respect des normes de protection contre le jeu excessif : au lieu d’exclure nationalement les joueuses et joueurs qui ne se justifient pas de mises disproportionnées, le casino suspendait simplement leur compte. Or, les loteries procèdent exactement de la même manière. Il semble donc que la loi et la jurisprudence ne soient pas respectées par les loteries et leur autorité de surveillance. Une interpellation est déposée au Conseil national.

L’art. 80 al. 1 de la loi fédérale sur les jeux d’argent (LJAr) impose aux exploitants une obligation claire d’exclure du jeu les personnes qui effectuent des mises disproportionnées par rapport à leurs revenus et leur fortune, ou qui ne peuvent justifier leurs capacités financières.

Le Tribunal fédéral, dans son arrêt 2C_175/2024 du 30 avril 2025 concernant le casino de Baden, a précisé que cette exclusion doit être effective et inscrite au registre national. Le TF a expressément condamné la pratique consistant à se contenter de simples vérifications de solvabilité (type « Teledata ») ou de suspensions de compte lorsque les joueurs ne fournissent pas les documents justifiant leurs capacités financières. L’arrêt établit qu’en l’absence de justificatifs appropriés, l’exploitant doit obligatoirement procéder à une exclusion du registre national.

Or, le rapport d’évaluation 2023 de l’autorité intercantonale de surveillance des jeux d’argent (Gespa) révèle que la Loterie Romande applique une pratique contraire à cette jurisprudence. Selon ce rapport (page 12), lorsque les joueuses et joueurs atteignent les seuils de détection précoce (pertes de CHF 2’000 par mois sur trois mois consécutifs ou à trois reprises sur six mois) et qu’ils « ne répondent pas aux lettres de la LoRo dans le délai imparti ou refusent de fournir les documents demandés, leur compte de joueur est bloqué » sans procéder à l’exclusion légale. Cela concernant 72% des joueuses et joueurs à risques identifiés par la LoRo (127 sur 176 en 2023). N’étant formellement pas exclu·e·s, elles et ils peuvent ensuite se rendre sur d’autres plateformes exploitées par d’autres opérateurs et effectuer d’autres mises disproportionnées malgré leur détection préalable.

Cette pratique soulève des questions importantes sur l’application uniforme du droit fédéral par les exploitants de jeux d’argent et sur l’efficacité de la surveillance exercée par les autorités compétentes. Jessica Jaccoud, Conseillère nationale, a déposé une interpellation qui interroge le Conseil fédéral sur les mesures qu’il entend prendre afin que l’art. 80 LJAr et la jurisprudence relative soient appliqués correctement.