Vienne après le consensus : la 68e session de la CND marque la fin d’une époque

La Commission des stupéfiants de l’ONU rompt définitivement avec le « consensus de Vienne » en adoptant pour la première fois toutes ses résolutions par vote, révélant de nouvelles alliances géopolitiques mondiales. Décryptage du Consortium international sur les politiques des drogues (International Drug Policy Consortium – IDPC).

La session de mars 2025 restera dans les annales comme celle qui a définitivement enterré trois décennies d’unanimité apparente. Les six résolutions adoptées par vote témoignent de fractures profondes qui transforment le paysage de la politique internationale des drogues, avec des conséquences majeures pour l’avenir du système mondial de contrôle, comme le souligne l’analyse de l’IDPC.

Une révolution colombienne historique

L’événement majeur aura été l’adoption d’une résolution colombienne créant un panel d’expert·e·s indépendant·e·s chargé d’examiner le système mondial de contrôle des drogues. Soutenue par 30 pays, cette initiative n’a rencontré l’opposition que de trois États : Argentine, Russie et États-Unis.

L’administration Trump bouleverse la diplomatie

Les États-Unis ont adopté un style diplomatique inédit, accusant directement le Canada, la Chine et le Mexique de contribuer à la crise des opioïdes, tout en s’opposant systématiquement aux références aux Objectifs de développement durable et à l’OMS. En parallèle, la Chine se positionne comme alternative en offrant flexibilité et respect des « circonstances uniques de différents pays ». Les coupes drastiques dans l’aide américaine ont déjà des conséquences dramatiques : 77% des organisations de personnes qui utilisent des drogues rapportent des disruptions sévères de leurs programmes, selon une enquête d’INPUD.

Évolutions notables sur plusieurs fronts

  • Réduction des risques : Une diversité remarquable de pays – de l’Arménie au Nigeria en passant par l’Inde – ont explicitement soutenu ces approches, illustrant leur reconnaissance croissante.
  • Droits autochtones : La révision du statut de la feuille de coca par l’OMS cristallise les débats. « Après six décennies d’injustice », la Bolivie demande une réévaluation scientifique, selon le vice-président Choquehuanca.
  • Environnement : Pour la première fois, une résolution entière a été dédiée aux impacts environnementaux des activités liées aux drogues, reconnaissant explicitement que les politiques elles-mêmes peuvent avoir des effets néfastes.

Une transformation paradoxale

L’effondrement du consensus pourrait revitaliser la CND en la transformant en véritable organe de décision. Comme l’observe l’ambassadeur indien Shambhu Kumaran : « Le débat n’est pas seulement sain mais nécessaire pour un système multilatéral dynamique. » Cette nouvelle ère post-consensus ouvre la voie à des discussions substantielles sur l’efficacité d’un système qui peine depuis des décennies à atteindre ses propres objectifs.