Le marché noir affaiblit la démocratie

13.02.2023

Dernièrement, les médias se sont penchés à plusieurs reprises sur des questions de corruption et de criminalité financière au sein de l’Europe, phénomène qui n’est pas sans rapport avec les thématiques en lien avec les drogues et les addictions. En effet, les analyses de spécialistes soulèvent un certain nombre d’interrogations, en particulier concernant le modèle de la prohibition. Exemples au travers de l’entretien avec Michel Claise, juge d’instruction belge, à La Matinale de la RTS.


Alors qu’un certain nombre de scandales de corruption ont éclaté au sein de l’Union européenne ces derniers mois, Michel Claise, spécialiste de la « délinquance en col blanc » se prononce sur l’aggravation de la criminalité financière lors d’un interview sur la RTS.

Comme exemple type, le juge cite d’emblée le port d’Anvers en Belgique, fréquemment évoqué dans les médias dernièrement, et déjà mentionné dans des news du GREA. Extrait:

Le port d’Anvers, on a soudain découvert - alors que nous cela fait évidemment quinze ou vingt ans qu’on le sait - que c’est une plaque tournante de l’importation de cocaïne. (…) Nous connaissons les chiffres sur base d’écoutes téléphoniques : quand un gramme de cocaïne est vendu grosso modo 50 euros pur, et que l’on saisit 100 tonnes de cocaïne grosso modo par an, alors cela fait évidemment une perte énorme pour les organisations criminelles qui en sont à la base, mais cela ne représente que 10 à 12% du montant global qui passe dans les mailles du filet des douanes. Alors, si vous faites un rapide calcul et vous passez à 800 tonnes fois 50 euros, c’est évidemment un produit financier gigantesque. Vous ajoutez à cela, dans les narcotrafiquants, la contrefaçon, le trafic d’armes, le grand « carrousel » à la TVA, la cybercriminalité, ce sont des chiffres de 300 milliards, de 200 milliards qui vont s’ajouter au produit des narcotrafiquants. Le chiffre annuel de la criminalité financière est ahurissant, hallucinant. Et le vrai problème, et c’est en cela que les choses deviennent catastrophiques, c’est que ces chiffres s’ajoutent aux chiffres des années précédentes qui, par le phénomène du blanchiment d’argent, se sont doucement glissés dans l’économie licite. Alors, à partir de ce moment-là, je pense qu’il faut être particulièrement lucide et admettre qu’il y a une économie parallèle qui équivaut, voire qui dépasse, l’économie licite dans le monde.

Ces propos illustrent bien certains paradoxes et effets pervers du modèle de la prohibition : celui-ci n’a globalement pas d’effet sur l’offre ; il contribue également au maintien, voire au renforcement, d’un système qu’il vise précisément à affaiblir, sans compter l’imbrication et l’interdépendance croissante des économies licites et illicites. Autant de constats qui remettent une nouvelle fois en question la pertinence du modèle et qui méritent une réflexion de fond, à plus forte raison lorsque cela représente une menace pour les démocraties.