Article 3c de la Lstup

L’article 3c LStup est entré en vigueur le 1er juillet 2011 avec l’ensemble des nouvelles dispositions découlant de la révision partielle de la Loi fédérale, approuvée fin 2008 en votation populaire. Cet article donne une base légale en matière d’annonce notamment s’il s’agit d’enfants ou de jeunes présentant une consommation problématique de drogues risquant de déboucher sur une addiction.

Art. 3c  Compétence en matière d'annonce

1 Les services de l'administration et les professionnels œuvrant dans les domaines de l'éducation, de l'action sociale, de la santé, de la justice et de la police peuvent annoncer aux institutions de traitement ou aux services d'aide sociale compétents les cas de personnes souffrant de troubles liés à l'addiction ou présentant des risques de troubles, notamment s'il s'agit d'enfants ou de jeunes, lorsque les conditions suivantes sont remplies:

1. ils les ont constatés dans l'exercice de leurs fonctions ou de leur activité professionnelle;

2. un danger considérable menace la personne concernée, ses proches ou la collectivité;

3. ils estiment que des mesures de protection sont indiquées.

2 Si l'annonce concerne un enfant ou un jeune de moins de 18 ans, son représentant légal en est également informé à moins que des raisons importantes ne s'y opposent.

3 Les cantons désignent les institutions de traitement ou les services d'aide sociale qualifiés, publics ou privés, qui sont compétents pour prendre en charge les personnes annoncées, notamment s'il s'agit d'enfants ou de jeunes en situation de risque.

4 Le personnel des institutions de traitement et des services d'aide sociale compétents est soumis au secret de fonction et au secret professionnel au sens des art. 320 et 321 du code pénal. Il n'est pas tenu de témoigner en justice ni de donner des renseignements si les déclarations qu'il pourrait faire concernent la situation de la personne prise en charge ou une infraction visée à l'art. 19a.

5 Les services de l'administration et les professionnels visés à l'al. 1 qui apprennent qu'une personne qui leur est confiée a enfreint l'art. 19a ne sont pas tenus de la dénoncer.

 

L'article 3c est donc applicable depuis le 1er juillet, mais comme on pouvait l'imaginer, sa mise en œuvre concrète s'avère complexe pour les Cantons, à qui cette tâche incombe désormais. Des zones d'ombre n'ont pas encore été éclaircies malgré la publication de l'ordonnance d'application (OAStup ; RS 812.121.6), qui ne consacre qu'un bref article à cette disposition-là 


Art. 5 Compétence en matière d'annonce et détection précoce

L'OFSP peut soutenir les cantons dans la mise en application de l'art. 3c LStup.

 

Art. 19b

Celui qui se borne à préparer des stupéfiants en quantités minimes, pour sa propre consommation ou pour permettre à des tiers de plus de 18 ans d'en consommer simultanément en commun après leur en avoir fourni gratuitement, n'est pas punissable.

 

 

Documents à disposition

§ Restriction du champ d'application Lstup

§ Motion de Mme Schmid-Federer et avis du Conseil fédéral, 29.05.2013


Exemples d'application de l'art. 3c ou de modèles d'IP

§ Proposition de modalité d'application de l'article 3c (Rapport de l'unité Départ, Suisse romande)*

§ Modèles de mise en oeuvre de l'article 3c (Suisse alémanique)

§ Modèle portugais d'intervention précoce pour les jeunes consommateurs de cannabis*

* Présentations tirées de la journée "Echanges d'expériences intercantonales sur l'art. 3c de la LStup" du 5 novembre 2013.

 

1. Quel est le champ d’application ?

Le Message du Conseil fédéral (FF 2001 3537) et les débats parlementaires étaient sans équivoque : l’article 3c concerne le risque d’addiction à tout produit, qu’il s’agisse d’une drogue illégale (cannabis, héroïne, etc.) ou légale (alcool, tabac, etc.). Or cette lecture, malgré tout contestée, s’est vu contredite en février 2013 par un avis de droit que l’OFSP a commandé pour clarifier les choses. Selon les juristes consultés, l’article 3c ne s’applique qu’au risque de dépendance à des substances listées dans l’Ordonnance du DFI du 30 mai 2011 sur les tableaux des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques (OTStup-DFI ; RS 812.121.11). Autrement dit, les drogues légales sont exclues de son champ d’application. Pour rétablir la volonté première du Conseil fédéral et des parlementaires, la conseillère nationale Barbara Schmid-Federer (PDC/ZH) a déposé une motion le 20 mars 2013. L’objectif est avant tout de réintégrer la consommation d’alcool dans le giron de l’article 3c. Le Conseil national ne s’est pas encore prononcé sur cette motion, que soutiennent naturellement les associations professionnelles. Une application large de cet article fait plus de sens d’un point de vue opérationnel. 

2. Qui peut faire une annonce?

Le texte de l’article 3c confère à un large panel de professionnels, actifs dans des domaines bien différents, la possibilité de faire une annonce. Il diffère en cela de l’ancien article 15 LStup, qu’il remplace. Ce dernier ne laissait cette opportunité qu’aux autorités publiques, aux médecins et aux pharmaciens ; des personnes confrontées bien souvent trop tardivement aux problèmes de ces jeunes qu’il s’agit de protéger. La compétence élargie de l’article 3c amène des questions qui n’ont pas encore trouvé de réponses : comment former ces personnes, qui ne sont pas forcément des professionnels des addictions, au repérage précoce de situations pouvant relever de l’article 3c ? Comment un policier fera-t-il pour choisir s’il faut verbaliser ou annoncer un jeune consommateur de cannabis par exemple ? Il ne faut pas perdre de vue qu’une mise en œuvre non réfléchie de cet article présente des risques. Ceux-ci ont déjà été évoqués sur le site du GREA.

3. A qui l’annonce doit-elle être faite ?

Il est désormais du ressort de chaque canton de s’organiser pour donner corps à l’article 3c. Aucun n’a pour l’heure formellement désigné ou mis en place la structure interdisciplinaire habilitée à recueillir l’annonce d’un jeune présentant un risque de devenir dépendant à l’une ou l’autre substance, sauf le modèle KESB[1] mis en place  dans le canton de Berne. Il faut dire que la tâche n’est pas aisée pour les pouvoirs publics : il est crucial que l’organe en question concentre en son sein toutes les compétences pour gérer cette délicate problématique, dispose des ressources nécessaires pour mener à bien ce travail et puisse s’appuyer sur un cadre et un processus clairs au moment de traiter chaque annonce. Pour soutenir les cantons dans ces démarches, l’OFSP entend mettre sur pied une antenne qui leur est dédiée. Il a déjà créé une page d’informations www.bag.admin.ch. Le GREA est mandaté pour accompagner les Cantons dans ce processus et à disposition pour des questions : j.savary@grea.ch

4. Dans quelle situation faire une annonce ?

C’est la question centrale du dispositif. Le choix a été fait de ne pas dresser une liste de critères permettant de déterminer dans quel cas de figure une annonce est possible, a contrario dans quel autre elle ne l’est pas. Un tel procédé aurait été trop rigide pour être efficace, vu la multitude de situations et d’environnements pouvant se présenter. Le modèle de l'intervention précoce, développé par le GREA, doit servir de base au signalement des jeunes en situation de vulnérabilité : www.interventionprecoce.ch 

5. Conclusion

L’article 3c va mettre du temps à prendre chair sur le terrain et à porter ses fruits. D’autant que les nombreuses questions que pose son application sont sensibles, telles que les suivantes : A partir de quand faudrait-il se résoudre à utiliser la contrainte ? Comment garantir la protection des données ? Comment éviter qu’un signalement ne mette en péril la relation basée sur la confiance entre le jeune et le professionnel qui choisit de faire une annonce ? Des réponses apportées dépendront les résultats concrets de cette disposition.

 

 

[1] KESB, Kindes und Erwachsenen Schutz Behörde, en Suisse romande APEA, Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (depuis l’entrée en vigueur le 1.01.2013 du nouveau droit de protection de l’enfant et de l’adulte)