Dépendances

N° 47 Logement

Depuis quelques années, la question du logement s’est imposée au sommet de l’agenda politique dans certaines régions de la Suisse romande. La pression ressentie dans les villes-centres s’est peu à peu diffusée à leurs agglomérations, pour toucher une grande partie du plateau. La plus grande rigidité du marché qui en découle affecte aujourd’hui toutes les couches de la population. Mais ce sont les catégories sociales les plus marginalisées qui payent le prix le plus élevé. Dans un univers devenu impitoyable, l’accès au logement opère ainsi une sélection drastique et laisse de nombreuses personnes sans domicile. 

La problématique du logement dépasse, et de très loin, le domaine des addictions. L’accès au travail aussi. Cependant, il s’agit des piliers sur lesquels repose le succès du travail d’insertion sociale. Le logement constitue en effet le premier des facteurs de protection. Comment construire un projet d’avenir quand l’urgence d’un toit prend toute la place? Comment s’engager dans une démarche thérapeutique si le cadre sécurisant du logement fait défaut ?
Cette situation, bien connue sur le terrain, rend difficile tout travail sur le long terme, au-delà de l’urgence. Depuis bien longtemps déjà, le logement fait partie des éléments sur lesquels buttent les démarches d’autonomisation. Ce qui change aujourd’hui, c’est l’ampleur du phénomène. La pression démographique fait jaillir avec plus de force encore cette problématique déjà ancienne. On constate une migration hors des centres urbains des personnes fragiles financièrement. De nouvelles catégories sont touchées, notamment certains jeunes que notre société accepte de voir entrer dans l’âge adulte dans une situation de désinsertion sociale déjà avancée.

Devons-nous accepter cette situation ? Certainement pas. Pouvons-nous inverser la tendance ? A court terme, difficilement. Il convient donc de savoir comment vivre dans cette nouvelle situation où le logement se fait rare, notamment dans les grandes villes. Le réseau sociosanitaire doit s’adapter et trouver de nouvelles pistes d’intervention. C’est ce qu’explore modestement, de manière non exhaustive, le présent numéro, en portant notamment un regard en dehors de nos frontières.
L’engagement social et politique sur cette problématique doit aussi remonter au sommet des priorités citoyennes. Il en va de l’avenir du vivre ensemble de nos sociétés. La ségrégation spatiale rampante de cette évolution ne peut qu’heurter les valeurs qui fondent notre engagement. Une prise de conscience collective s’impose.

Corine Kibora, Addiction Suisse
Jean-Félix Savary, GREA